Voisines [PV Kanori]

Latiniste moraliste ♥

Quiconque parlerait de ma rencontre avec Kanori Sakashita ne pourrait s'empêcher d'y ajouter une part de mystique. Le Destin, la Providence et autres conneries. Mais rien à voir. De ma rencontre avec Kano', seuls sont importants le hasard et des réflexes d'auto-défense.

Kandai M.

Après avoir... hum. cordialement accueilli le nouveau prof de philosophie et salué Sakura, Kandai avait pris la direction de sa chambre, le coeur un peu gros d'être revenue au Japon. Konoha avait bien changé depuis cinq ans et elle se prenait parfois à regretter la Belgique. Elle secoua la tête pour se redonner un peu d'énergie.

- Allez, ma grande, t'es pas venue jusqu'ici pour te plaindre dès le premier jour ! Que dirais Den s'il te voyait ?

Fatiguée de repenser à son meilleur ami qui avait mis les voiles un - très mauvais - jour pour une raison mystérieuse, elle avait décidé de ranger ses livres sur la petite étagère de la chambre. Elle s'assit sur un des lit et poussa un long soupir.

"Eh bien Den, nous y voilà. Lycée Daiki. L'année va être longue, ici."

Tout en rangeant ses vêtements et ses autres affaires [genre sa brosse à dent] les mots que Shin, le nouveau prof, lui avaient adressés avant de s'en aller avec Sakura lui revinrent en pleine tête.

"Tu es franche. J'aime ça aussi."

Mais pourquoi elle pensait à ça, merde ?! Ce n'était qu'un homme, un putain d'homme qui avait gueulé dans le couloir et avait perturbé sa tranquillité. Les hommes étaient-ils tous pareils ici ?! Ou bien était-ce elle qui avait un problème ?

"Den qu'est-ce que t'aurais fait toi ? Sûrement tu serais resté calme, non ? Bordel, mais pourquoi j'arrêtes pas de penser à toi ?"

Un bruit dans le couloir la tira de ses sombres pensées : quelqu'un approchait.

'Sûrement un élève. Je vais aller le saluer, il vaut mieux... Si je veux me faire des amis dans ce lycée."

Elle se leva de son lit, se composa un visage gai et ouvrit la porte de sa chambre... pour se prendre un poing dans la figure.

- AÏE !!

L’heure avait été choisie avec précaution, la journée était idéale. Dehors tombait des hardes de flocons blancs, ressemblant plus à des plumes duveteuses qu’à de la neige glaciale. C’était si joli. Les écouteurs de son Ipod

dans les oreilles, passant en boucle une chanson japonaise [Honey-Vocaloid] assez mouvementée aux allures de publicités pour télévision, valises à la main et écharpe en laine autour du cou, c’est ainsi que Kanori Sakashita, nouvelle arrivante au lycée Daiki érigé dans la ville de Konaha, fit son entrée à l’internat.

Elle avait d’abord visité quelques autres endroits tel que la bibliothèque – où elle avait chopé un bouquin sur la Sorcellerie au Moyen Age – le gymnase, les salles informatisées, la salle de bal et, entre autre, l’atelier des artistes. Des endroits dans lesquels elle aurait envie de se perdre, de se blottir contre les murs, de ne plus bouger, d’oublier… Oui, oublier son pays, ses amis, les heures passées à sourire bêtement devant des personnes particulières. Oublier les heures de promenades dans le chemin de terre qui bordait sa charmante demeure, ses heures de solitude écoulées contre le grand sycomore de son jardin – nommé Tom Bombadil – et enfin effacé son sourire. Et pourtant, plus elle voyait d’adolescents masculins et plus son sourire revenait la hanter, la faire frémir, rêver, retourner dans le temps, dans des jours anciens, effacés, oubliés… Revenus !

Elle avançait dans les couloirs, ressassant ses souvenirs, avec une rapidité déconcertante. Plus vite elle aurait fini, mieux cela se passera. Elle arriva enfin devant la porte en bois, dans le fin fond d’un couloir éclairé par des petites lampes, accrochées aux murs de chaque côté. Elle s’arrêta, déposa la valise au sol et inspira un grand coup, comme avant chaque match de boxe qu’elle avait disputé. La poignée se tourna. Kanori n’attendit pas, n’examina pas : Ici, il fallait compter sur soi et soi uniquement !

Le poing toucha quelque chose de mou, comme une joue. Un cri fusa, lui indiquant que son poing avait bel et bien touché un être vivante et d’après le cri… Une fille !

- AÏE !

La « chose » tomba sur le cul et Kano’ balança ses paquets sur le sol, se précipitant vers la blessée, « posée » sur les fesses contre un parquet.

- Ooooh merde ! Désolée ! Désolée ! Désolée ! Ca va ? Tu n’as rien ? Si tu as un goût de sang dans la bouche, tu craches, ok ? Ooh ! Désolée, désolée, désolée !

Kanori arrêta subitement de s’excuser et regarda la pièce : 4 lits, des étagères, des tables et des lampes de cheveux. Quoi de plus banal ?

Latiniste moraliste ♥

C'est vrai que je m'attendais à tout autre accueil mais si j'avais eu un autre accueil, aurais-je cherché à la connaître ? Aurais-je découvert qu'elle était ma semblable au-delà de toutes les apparences, de tous les préjugés ? Aucun moyen de le savoir.

Kandai M.

'Je ne saurais pas vraiment dire ce qui s'était réellement passé. Toujours était-il que là, j'avais le visage en feu et que la voix de Den résonnait encore à mes oreilles. Pendant un instant, j'avoue avoir espéré...'

-...Ooh ! Désolée, désolée, désolée !

-Den ?

Silence. Kandai releva la tête et croisa les yeux acier et écarquillés de la fille plantée dans l'encadrement de la porte... Fille ? Ah non, ce n'était pas Den, finalement. Et puis que ficherais Den, au Japon dans ce lycée précis ? Kandai secoua la tête, comme pour chasser ses pensées sombres. Un peu de nerf, que diable !

-Euh, non. Moi, c'est Kanori Sakashita, fit la jeune fille, un peu gênée. Et... hum... tout va bien ?

-Ca ira, répondit Kandai, maussade, tout en se relevant. T'as un sacré direct, en tous cas.

-Normal, je fais de la boxe, renseigna Kanori, dans une position vexée.

-Sans blague ?! Moi, mon meilleur ami qui m'a appris deux trois trucs au combat rapproché. Mais, je suis nulle comme un pied. A part ça, moi c'est Kandai Makkora. Je viens juste d'arriver chez les Kazuki.

Kanori hocha la tête et continua son inspection de la pièce, tandis que Kandai retournait à ses affaires, qui n'était pas encore rangées. Après avoir sorti quelques trucs de sa valise, elle releva la tête et constata que Kanori avait pris le lit dans le coin, à l'opposé du sien. Timide, la nouvelle ? Kandai comprenait. Elle-même aurait fait pareil.

Elle sortit un drapeau Noir-Jaune-Rouge pour le placer juste au-dessus de sa tête de lit quand elle remarqua que Kanori la regardait fixement. Agacée, elle accrocha son drapeau et se retourna vers la jeune fille.

-T'as jamais vu le drapeau de la Belgique que tu fais cette tête ?

Sous ses yeux s’élevait un drapeau aux couleurs familières, si familières. Un drapeau qu’elle connaissait depuis 17 années et dont elle se souviendrait encore dans dix, vingt ou trente ans. Le drapeau de son pays natal, de sa famille. Et cet instant, tous les souvenirs que Kanori avait souhaité oublié jusqu’à maintenant réapparurent dans une explosion colorée. Amitié, rires, pluie, sentier désertique, la boulangerie et enfin un sourire aussi lumineux qu’un soleil. Son soleil. Ses yeux restèrent immobiles devant ce drapeau, qu’elle aimait éperdument. Et ce sourire réapparaissait avec force et luminosité. Elle ne lui avait pas souvent adressé la parole mais elle l’avait si souvent regardé du coin de l’œil. Mais pensait-il encore à elle ? Se souvenait-il seulement d’elle ? Tout cela était impossible, il lui avait rarement parlé.

-T'as jamais vu le drapeau de la Belgique que tu fais cette tête ?

Kanori se taisait. Kanori ne savait plus parler. Kanori était devenue muette. Elle se retourna vers son lit et commença son rangement. D’abord, elle disposa d’épais volume de couleur à la reliure de cuir : des albums photos. Déjà toute petite, Kano aimait la photographie, les flashes des appareils et tout le tralala. De plus, cet art parlait à tout le monde, dans toutes les langues, à tous les peuples. Elle savait que si elle prenait un arbre en photo, tout le monde, qu’ils parlent français ou japonais, diraient dans leur propre langue « C’est un soleil ». Et elle voulait communiquer avec le monde.
Après avoir fini son classement d’albums, elle s’attaqua à ses livres. Si Kanori aimait la photographie, elle adorait également la lecture. Et elle avait toujours un livre sur elle. Elle rangea les « Fantasy » dans un coin, les livres aux histoires vraisemblables dans un autre et ses bandes dessinées et mangas au milieu. Et puis, ce fut au tour des vêtements, puis des chaussures et enfin des trucs de toilettes.
Enfin elle eut fini et se laissa tomber sur le matelas de son lit pour regarder sa colocataire ranger ses effets personnels. Kano rompit le silence.

- Pour dire vrai, je connais ce drapeau depuis 17 longues années. J’ai habité là-bas, j’ai étudié là-bas et maintenant j’ai déménagé à l’autre bout du monde et je suis ici.

Ses yeux étaient à présent rivés sur la fenêtre qu’elle avait ouverte pendant son aménagement. Dehors, la routine habituelle : des oiseaux qui chantent, des gens qui vivent et d’autres qui meurent. Les marchands vendaient leur marchandise, les jeunes s’adonnaient à leur passe-temps et peut-être même que quelques vieilles femmes donnaient des morceaux de pain à des pigeons affamés. Le silence était bien présent dans la chambre d’étudiant. Deux lits sur quatre étaient occupés et Kanori ne savait rien de ses deux futurs compagnons. Elle rompit une deuxième fois le silence pour une phrase anodine, son oreiller serré contre son cœur.

- Tu sais qui aura le bonheur de partager notre chambre ?

Latiniste moraliste ♥

Si je devais attribuer ma rencontre avec Kano' au Destin, je le ferais. Je trouve simplement que le hasard était trop bien fait pour laisser la place au moindre petit destin.

Kandai M.

Silence.

Pas bavarde, la nouvelle ? Kandai s'en arrangeait. Elle s'adaptait facilement - trop facilement - au caractère des gens. Si sa voisine décidait de se taire, Kandai l'acceptait. Elle n'aimait pas le silence, mais pas le bruit non plus. Sa mère lui reprochait souvent sa complaisance. Mais même avec sa mère adorée, Kandai était complaisante. Ne serait-ce que pour la distraire, lui faire retrouver l'espace de quelques secondes, le sourire qu'elle avait eu... avant le massacre.

La. Ferme.

La ferme, la ferme, laferme ! Stop, cerveau, déconnecte-toi ! Dégage, arrête de penser, sinon ça allait encore retomber sur...

... Den ?

Mais qu'il arrête de la hanter ! Den était partie, ELLE était partie et maintenant elle était... seule à ranger ses affaires sur une étagère. Tous ses livres... Les lettres latines, les romans de SF, les livres jeunesse. Tous rageusement classés par genre, taille, auteur. Kandai mit un moment avant de se rendre compte que ses joues étaient humides. Elle essuya discrètement ses larmes... L'autre fille - Canari ? - semblait ne rien avoir remarqué tout était-elle à classer ses livres, à elle. Kandai eut un micro sourire et finit de ranger. Peut-être avait-elle plus de points communs qu'il n'en fallait avec cette fille ?

- Pour dire vrai, je connais ce drapeau depuis 17 longues années. J’ai habité là-bas, j’ai étudié là-bas et maintenant j’ai déménagé à l’autre bout du monde et je suis ici.

De nouveau, le silence. Mais différent, cette fois. Lourd, comme transpirant la nostalgie. Kandai commença à manquer d'air et se rendit compte qu'elle avait retenu sa respiration.

C'était fait exprès ?

Kandai était à peu près sûre que cette fille qui regardait à présent le paysage hivernal était la seule de son âge qui avait vécu en Belgique parmi tous les gens du village. Et cette fille se trouvait là, dans sa chambre, juste à côté d'elle ! Si près, à portée de main, avec probablement les mêmes souvenirs d'un pays si loin.

Le Destin ? Elle n'y croyait pas.

Pas assez pour y attribuer cette rencontre, du moins.

- Tu sais qui aura le bonheur de partager notre chambre ?

De nouveau, retour avec la réalité. Cette fille, Kanori - elle avait retrouvé son nom ! - lui était-elle envoyée ? La Providence, Den ou bien ce même assassin, celui sans nom et sans visage qui avait fait de sa vie une fuite perpétuelle ? Shhh, Kandai. Arrête de déconner.

- Non. Je viens juste d'arriver.

- Ah.

De nouveau le silence. Kandai se plongea dans la contemplation du drapeau belge et s'entendit murmurer :

- Elle me manque.

Silence. Parfait, ce serait donc un monologue. Pas plus mal, au fond.

- En fait, tout me manque. J'ai quitté la Belgique, il y a quoi ? quelques mois et ça me manque à crever. Pas rien que le temps pourri, la bière, les moules-frites ou les magouilles politiques, non. Mais l'ambiance, les petits chemins de terre, les terrils que l'on s'amusait à escalader, les écoles et leur systèmes merdiques, les réunions de famille, les sorties au bar, les kermesses, l'accent wallon, les sorties jusque Bruxelles... tout. Et mon meilleur ami. Mon... je l'aimais, tu vois. Et il est parti de ce pays merveilleux. Alors je suis revenue ici, là où j'ai passé une enfance inexistante. Mais c'est dur. Et...

Non. Laisse ta famille. Laisse les morts reposer en paix. Laisse Den partir. Lâche prise.

Silence.

- Tu comprends, je sais. Mais si tu ne veux pas parler, je comprends moi aussi.

Kandai se tut et se tourna vers Kanori, les yeux tristes. Elle comprenait. Elle ne pouvait pas faire autrement. Parce que... elles étaient semblables.

Voisines.

C'était le bon mot. Mot magique.

Peut-être que le hasard a existé pendant un petit moment, juste pour nous deux.

Kanori.

Kandai lui parla de la Belgique pendant une dizaine de minutes, faisant revenir les souvenirs cachés de la jeune rousse. Apparemment, Kandai n’aurait pas habiter très loin de chez Kanori et aurait été dans la même école qu’elle. Mais Kano ne se souvenait pas l’avoir déjà vu dans les couloirs de l’école, surtout qu’elle avait été, apparemment dans la même année qu’elle… Kanori avait été inscrite dans la section latine dans laquelle elle se débrouillait comme elle pouvait. Normalement, elle devait commencer à lire la bande dessinée « Murena » avant de déménager pour le Japon. Heureusement que son père était un grand collectionneur de BD et qu’il avait, entre autre, quelques exemplaires de ce livre imagé.

- Nan, je n’en ai aucune idée.

Alors comme ça, elle non plus ne savait rien des deux derniers colocataires. En tout cas, Kanori se surprit à espérer que l’un des deux soit un garçon. Elle secoua sa tête la tête pour enfin revenir dans la réalité et sortit un paquet de chewing-gum de sa poche qu’elle tendit à Kandai en souriant avant de lui en proposer un. Kandai accepta gentiment et en prit un dans le paquet qu’elle se mit à mâcher immédiatement. Dehors, le ciel se calma et apparut sous une couverture bleutée dans laquelle les avions traçaient des lignes droites ou courbées selon leur trajet. La rousse se leva de son lit et s’approcha de l’appareil photo posé sur l’étagère à côté des albums photos. Ses parents le lui avaient offert le jour de son dix-septième anniversaire et Yuro, sa sœur, en avait profité pour ajouter un magnifique djembé africain ainsi qu’une housse de protection. Djembé qui était d’ailleurs posé contre la table de chevet de la rouquine.

- Bizarrement, j’ai envie de connaître nos prochains amis, pas toi ?

Elle avait articulé cette phrase avec un sourire ressemblant plus à celui d’un psychopathe qu’à celui d’une jeune fille en pleine possession de sa raison. Comme à son habitude.

Etudiant

Pas de réponse ? Je verrouille What a Face

Si vous voulez reprendre, n'hésitez pas à me MP Wink