Tout en cuir, tout en cuir... Il dégageait quelque chose d'animal qui n'était pas habituel. Pas Hide ni un Kazuki donc. Ces petits joueurs étaient incapables de recruter des types de tel gabarits.
Cela faisait plusieurs minutes que Vitanny observait ce qui devait être la nouvelle recrue des kuragaris. Elle était arrivée là dans l'objectif évident de regagner sa chambre, pour y faire on ne sait quoi – même elle ne savait pas vraiment ce qu'elle avait l'intention d'y faire – et avisant le type assis sur le banc, elle s'était perdue dans ses reflexions.
Ce n'était pas tant qu'elle se tenait particulièrement au courant des nouvelles têtes dans la bande, non. En fait elle en avait rien à cirer de ces gamins des rues qui venaient en criant haut et fort qu'ils étaient des terreurs. Ce qui l'intéressait un peu plus en revanche c'était ceux qui, comme lui là sur son banc, laissaient transparaitre une détermination sans borne.

Elle quitta les méandres de ses pensées et pour assouvir sa curiosité, elle vint se camper face à l'étranger. Certes, il avait de quoi attirer tous les regard : c'était, et de loin, un des garçons les plus ténébreux du lycée. Et qui dit ténébreux dit forcément séduisant aux yeux des minettes en manque d'action.
Vitanny n'en faisant pas partie, elle n'était là en face de lui que parce qu'elle était féline, et que comme tous les félidés elle venait tâter de la griffe le nouveau jouet mis à sa disposition. Exécutant un geste devenu mécanique maintenant, elle posa les mains sur les hanche tout en écartant les pans de sa veste en cuir, dévoilant juste au dessus de sa ceinture le tatouage, l'emblème du gang. Elle voulait annoncer la couleur et abréger sa propre présentation, qui n'avait dans le fond aucune importance pour l'instant. Le vent frai balaya ses longs cheveux blonds éparpillés sur ses épaules de manière chaotique, et elle posa avec intensité ses yeux bleus sur l'inconnu. Quand sa voix s'éleva enfin dans l'air, après quelques secondes de silence tendu, ce fut pour prononcer ces paroles d'une voix nette et sans ambiguité :

-Nouvelle tête, hein. C'est quoi ton nom ?

Parler, ça n'était pas vraiment son point fort, à Vitanny. Dès qu'elle le pouvait elle évitait tout genre de conversation, répondant par des hochement de tête, ou laissant son regard expressif traduire ses pensées. A peu près. Sinon, il restait la manière forte. A ceux qui ne voulaient pas comprendre qu'ils feraient mieux de dégager, elle envoyait un coup de pied bien placé et continuait son chemin.
Trop souvent elle était prise pour une faible femme. Son allure nerveuse et souple, sa silhouette parfois gracieuse et si féminine, laissait forcément planer le doute quand à son caractère. Mais ses regards...non, jamais on ne pourrait se tromper sur les regards glacés et assassins de le jeune fille. Lorsqu'ils criaient : « Dégagez le passage », seul un aveugle pourrait y voir « Approche beau gosse ».
Il devait y avoir une flopée d'aveugles à Konoha alors. Ou bien peut être que l'étudiante à la crinière sauvage attaquait sans laisser la moindre chance à ses victimes.

Pendant un instant Vitanny se demanda si l'autre là, le brun avec son...katana sur les genoux, avait entendu ce qu'elle avait dit. Elle avait parlé d'une voix forte, habituée à devoir couvrir le bruit de la musique à cause de sa colocataire, Fûu. Mais tout de même, il était probable qu'il n'ai pas entièrement saisit le sens de ses propos. Embêtant, elle allai surement devoir répéter.
Ou alors il était assez intelligent et avait comprit de lui même qu'elle lui intimait de se présenter. Ce qui arrangerait bien les choses, car chez les Kuragaris, côté intelligence, ça ne volait pas toujours très haut.

Great. Qu'il ait entendu ou non, ça ne changeait rien. Le fait était qu'il venait de se présenter, d'une manière qu'on pourrait qualifier de similaire aux habitudes de Vitanny. Concis et précis. Bon le seul petit problème était cette main qu'il avait tendu après s'être levé. Ce Zack Mokuro respectait de toutes évidences les bases de la politesse, et c'était tant mieux pour lui. Les gentleman se faisaient rare dans la ville, préférant des contrées moins agitées.
Mais Vitanny n'esquissa pas le moindre geste, et ne glissa qu'un bref regard vers la main tendue du nouveau. Une poignée de main avait trop d'importance à ses yeux. Elle n'était pas friande des contacts physiques pris trop à la légère. Ils avaient échangé deux ou trois mots (si tant est qu'on puisse dire qu'ils avaient échangé ces paroles, étant donné qu'il n'avait probablement pas entendu sa question) et c'était aux yeux de la blonde trop insuffisant pour qu'elle puisse être polie à son égard. Avant ça elle devait apprendre à le connaître. Peut être, qu'alors il mériterais de lui serrer la main.
Vitanny n'avait pas particulièrement une grande estime d'elle même. Ce n'était pas par orgueil, ni par préjugé, qu'elle ne réagit pas à la main tendue de Zack. Simplement elle n'était pas du genre à s'engager sur la pente de l'amitié, ou de la simple camaraderie, si tôt. Qu'il soit un Kuragari ne faisait pas forcément de lui son allié.

La jeune étudiante observa avec un peu plus d'attention le visage de Zack. Il n'était pas facile de voir ses traits avec exactitude à cause de ses cheveux noirs qui masquaient une bonne moitié de sa figure. Ce qui ne l'empêchait pas de voir la lueur bleu, cristalline et d'une netteté improbable, qu'il y avait au fond du regard de son interlocuteur.
C'était assez troublant, dans un sens. Parce qu'elle y voyait quelque chose de familier. Les regards sombres, assassins, et de mauvais augure, étaient monnaie courante ici à Daiki. Mais cela ne changeait rien au fait qu'elle croyait voir à certains instants, quand elle se focalisait sur les iris azurés de Zack, le reflet de quelqu'un qu'elle connaissait plus que bien... Ce fut probablement ce sentiment étrange de déjà vu qui la poussa à effectivement se présenter.

-Vitanny Inugame. Tu viens d'arriver ou ça fait déjà quelques jours que t'es ici ?

Les questions de la jeune fille blonde étaient d'ordinaire anodines, et sans vraiment de sous entendu. Préférant souvent agir avant de réfléchir, elle n'était pas de celles qui tournaient sept fois leur langue dans leur bouche avant de parler. Pourtant cette fois...Oui, cette fois il y avait exception, et sa question n'était pas vraiment vide de sens. Ce qu'elle cherchait à savoir était tout simplement si il avait eu l'occasion de rencontrer d'autres Kuragaris, ou si il avait déjà commencé à se faire sa petite place au sein de la population du bahu.
Parce qu'il n'y avait pas qu'une petite guéguerre entre deux ou trois groupes de jeunes ici (les Hide et les Kazuki comptaient aléatoirement pour un ou pour deux. C'était à l'envie ). Quoi qu'en disent les médias, surtout après la mort d'une fille, dont Vitanny avait décidément du mal à retenir le nom puisqu'elle n'avait pas elle même assisté à l'évènement, le lycée était un champ de bataille où se multipliaient les tensions.

Et puis...Aiden, le big boss, avait le don de taper sur les nerfs de la jeune fille ces derniers temps. Oh, certes, il n'était pas apprécié de grand monde de toutes façons, mais les Kuragaris devenaient une incohérence totale, éparpillés, dispersés, aux objectifs et aux motivations aussi nombreux qu'il y avait de membres. Alors sympathiser avec ce Zack, au regard si étrangement familier ne pouvait qu'être une bonne chose. Restait à voir si ça valait le coup de l'avoir de son côté, où s'il n'était qu'un autre déchet de la société, ayant échoué là pour X raison, plus ou moins contre sa volonté.

Le mot résonna entre ses tympans, comme le son d'un glas qui faisait vibrer la moindre de ses cellules.
Excitant.
C'était même plus que ça : c'est fucking excitant de vivre à Konoha. Pas une seule nuit que le silence venait troubler. Pas une seule nuit à dormir comme un bébé. Parce qu'il y avait toujours quelque chose à faire, quelqu'un à frapper, un mur à dégrader...Même si, forcément, cet abruti de chef venait gâcher tout le plaisir en restant aussi mou qu'un chewing gum dans la bouche d'un enfant.
Il avait la fâcheuse manie, Aiden Allen, grand boss des kuragaris, de mettre du monde sous ses ordres, mais de ne jamais rien ordonner. Oh, si, vaguement. Une entrevue dans le parc s'était d'ailleurs terminée d'une étrange façon. Et le souvenir des deux frères restait gravé dans la mémoire de l'étudiante aux yeux bleutés.

Elle passa ses doigts dans sa crinière blonde, sans lâcher du regard Zack, en face d'elle. Et elle continua de réfléchir, encore et encore, à son regard... Elle s'agaçait elle même de ne pas comprendre ni vraiment saisir cette impression, ce vague souvenir. A qui ressemblait il ? Peut être un des types qu'elle avait croisé la veille et qui avaient passablement marqué sa mémoire. Peut être qu'elle était loin du compte.
Laissant résonner encore et encore les derniers mots de Zack dans son esprit, Vitanny prit une profonde inspiration. Ses poumons se gonflèrent d'un air humide et frai, un peu trop frai à son goût même, et elle se secoua intérieurement. Passer autant de temps à penser ne lui ressemblait pas. Peu importait la réminiscence dont elle était victime, elle finirait bien par retrouver.

Survint alors quelque chose de particulièrement inhabituel. Pire même, beaucoup diront, si ils connaissent bien Vitanny, que de mémoire d'homme ça n'était jamais vraiment arrivé avant. La jeune fille se lança dans un sorte de tirade, les lèvres mues par son instinct bestial, d'un voix tremblant parfois d'émotion.

-Plus que ça. C'est une arène où chaque lion se jette dans l'espoir de se faire remuer les tripes à coups d'adrénaline. C'est un immense champ de jeux où même les victimes sont des partcicipants volontaires, parce que personne ne les oblige vraiment à rester. On est tous là pour la même chose : the Great Thrill.

Elle garda ses yeux bleus plantés dans ceux de Zack. Elle en avait presque oublié la première réponse qu'il avait formulé, même. C'est sans doute qu'elle jugeait ça sans trop d'importance. S'il était arrivé depuis quelques jours, alors il devait déjà avoir sa propre opinion. Dans le meilleur des cas, elle profiterais de sa similitude...de sa ressemblance même, pour lier une sorte de...
C'était ça. Ce qu'elle remarquait depuis tout à l'heure, ce qu'elle frôlait sans jamais le toucher. Il avait la même avidité qu'elle dans le regard. Ils pouvaient tout aussi bien être radicalement différents l'un de l'autre, ça ne changeait rien au fait qu'elle voyait poindre, même dans ses phrases, un intérêt non dissimulé pour la violence.
Et il ne l'avait pas regardé comme une fille. Non, jamais il n'avait laissé son attention glisser vicieusement jusqu'à ses attributs. Et il n'adoptait pas un ton condescendant ou charmeur, indolent ou protecteur. Il se foutait bien de qui elle pouvait être, dans un sens. C'était tout naturel, presque simple, primaire. Presque animal.
Et soudain elle voulait qu'il la connaisse.
Elle voulait le connaître.

Elle n'en pouvait plus d'attendre. Chaque seconde qui passait accroissait sa curiosité à l'égard de ce Zack. Il fallait qu'elle en sache plus, qu'elle en voit plus. La tension bestiale, sensible dans son regard soudain plus incisif, ne laissait présager que de bons présages.
Vitanny était plutôt du genre solitaire. Elle n'était pas friande de la chasse en meute, et aimait se perdre dans les rues comme une pauvre femme sans défense, pour mieux attirer à elle la racaille des bas quartiers. Elle était la carotte et le bâton, l'appât et le prédateur. Pourtant si elle trouvait un partenaire de jeux convenable, un peu comme sa colocataire, par exemple, elle se sentait prête à faire un peu de place à ses côtés. Plus on est de fous, plus on rit.

Comme l'autre avait évoqué Tokyo, la jeune fille blonde songea qu'il s'agissait là de la ville d'où il venait. Mais quand on se prénomme Zack, et qu'on a les yeux aussi bleus...c'est forcément qu'on n'est pas japonnais à cent pour cent. Certainement qu'il avait une mère d'origine étrangère. Vitanny garda cette idée dans un coin de son esprit, parce que ça méritait de se pencher dessus avec un peu plus d'attention. Ce n'était pas tous les jours qu'elle croisait un gars qui avait l'air à peu près sympathique à ses yeux, et qui était du même bord qu'elle.

-Si tu veux... Je te pousse dedans. Dans l'arène, je veux dire. En temps normal c'est Aiden qui est sensé donner le top départ des hostilités, mais j'ai apprit à me débrouiller sans lui, puisque c'est un éternel absent. Je commence à bien connaître l'endroit. Les planques sympa, les coins à éviter tellement c'est fliqué...

Elle esquissa un sourire. Elle l'invitait carrément à la suivre, c'était une proposition qui n'avait rien de romantique ni d'appréciable à première vue – parce que ça n'était pas là son but, sans doute – mais c'est presque avec politesse qu'elle lui proposait ainsi une virée dans les rues sombres et glauques de la ville.
Des endroits louches, ça n'était pas très compliquer à trouver. Il suffisait d'observer avec un peu d'attention, et ne serais-ce que dans les grandes avenues, on trouvait toujours un ou deux types à la mine vestibulaire. Ne restait plus qu'à les suivre, ou les attirer, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus les voir. La police n'était pas particulièrement active à Konoha. Mais à cause des récents coups d'éclat des Kuragaris, mieux valait ne pas trop faire de bruit.

La jeune fille changea de pied d'appuis, et se passa une nouvelle fois la main dans les cheveux. Non pas qu'elle soit assez superficielle pour tenter de se mettre en valeur face au garçon, mais plutot...disons qu'elle aimait avoir la vue dégager. Son champ de vision était trop humain pour la satisfaire, pourquoi en plus laisser des mèches vagabondes entraver son regard bleu glacé. Souvent elle s'était dit qu'il faudrait qu'elle se fasse couper les cheveux. Ils commençaient à devenir un peu trop longs, et tailler les mèches de devant pour mieux voir n'était plus suffisant. Peut être qu'un coiffeur accepterais de venir dans sa chambre du pensionnat en toute discrétion, lui couper sa crinière de lionne gratuitement.
Évidemment, les lionnes n'ont pas de crinière. Seuls les mâles en ont. Mais ce n'était pas non plus comme si Vitanny était un vrai félin de la savane. Simplement, on pouvait vaguement assimiler la couleur blonde de ses cheveux à une toison d'or.
Continuant sur cette lancée, le gars en face, Zack, était aussi à apparenter à un fauve. Restait à savoir de quel bête sauvage il s'agissait.

Alors Vitanny espéra qu'il lui réponde positivement. Qu'il la laisse le faire descendre dans l'enfer des nuits sales et nauséabondes, où l'on cherche la pourriture pour attraper quelques flux d'adrénaline. Vivre dangereusement, et vite, et intensément.
Elle chercha dans les yeux de Zack cette lueur d'intérêt qui voudrait tout dire. Elle voulait qu'il accepte, vraiment. Et peut être que c'était la première fois qu'elle attendait autant de la part de quelqu'un. Enfin, autant...

Le signal de la chasse était lancé, et il n'y avait rien qui pouvait plus plaire à Vitanny. Elle réprima un frisson qui n'annonçait rien de bon (pour les autres) et dans le fond de ses yeux, encore perdus dans la contemplation de ceux de Zack, s'alluma une lueur encore plus mauvaise. Elle n'avait plus rien à dire, c'était inutile. Les présentations avaient été faites, elle avait laissé les mots, et ses yeux, faire transparaître qui elle était. Et Zack avait fait de même.
Elle sorti de sa poche un téléphone rayé, trop souvent tombé au sol aux milieu d'altercations avec des crétins de la ville. C'était un miracle qu'il fonctionne encore, et qu'il n'ait pas perdu une seule pièce. Certes, l'écran était presque illisible, mais au moins elle pouvait téléphoner et recevoir des appels. Et lire l'heure, en l'occurrence. Vitanny aimait bien savoir l'heure qu'il était, et parfois il lui semblait qu'elle avait une horloge dans la tête. Instinctivement elle pouvait sentir qu'elle heure il était, à 10 minutes près. Elle posa pourtant ses yeux d'une glace incandescente sur le cardan de son portable, parce que le temps s'était distordu pendant sa conversation avec le nouveau Kuragari.

Trop tard, ou trop tôt. L'heure qu'elle lisait ne lui inspira aucun événement particulier, mais justement...Ce n'était pas le bon moment. Rangeant le téléphone dans sa poche, elle se creusa la cervelle pour trouver quelque chose, une alternative. De toutes évidence, s'ils devaient commettre un quelconque méfait l'un et l'autre, ce serait à la tombé de la nuit. Elle allait avoir, donc, quelques heures pour réfléchir à où elle l'emmènerait.
Quand sa décision fut prise, elle l'annonça à Zack d'une voix légèrement rauque. L'émotion, sans doute, anticipée.

-On se retrouve ce soir alors. Vingt deux heures, devant l'église.

Loin d'être religieuse, ou même croyant, la jeune fille blonde n'avait choisit l'église comme point de rendez vous que parce qu'elle était grande, d'une part, et parce qu'elle était sur une place assez espacée, pour éviter de se faire prendre par surprise. Le chasseur pouvant très rapidement devenir celui qui est chassé, elle n'aimait pas attendre les gens dans les rues trop étroites. Quitte à glander pendant une heure, autant que ce soit là où sa vision ne sera pas entravée.
L'église...Elle n'y avait jamais vraiment trainé. Trop mal fréquenté par les bourges coincés dans la journée. Et puis qu'est-ce qu'elle en avait à cirer de l'église, franchement. Avec son cimetière pas loin, c'était d'un glauque...

Vitanny aurait pu attendre une réponse positive ou négative de Zack après sa proposition, mais elle entrait déjà dans le bâtiment, sans un mot de plus. Elle avait dit tout ce qu'elle avait à dire, restait à savoir si il se pointerait ou non. Dans le cas où le départ précipité de l'étudiante l'avait déçu, peut être qu'il refuserait finalement son invitation.
Peu importait. Même seule elle trouverait une occupation. Quelques Kazuki à taquiner de la pointe de ses dagues peut être.