Elle avait passé sa journée à ronger son frein. Cloitrée dans un premier temps dans sa chambre pour réfléchir à ce qu'elle pouvait éventuellement proposer comme distraction à Zack, elle avait finalement somnolé sur son lit. Détestant s'ennuyer par dessus tout, la jeune étudiante avait prit son blouson de cuir et avait arpenté les alentours du pensionnat, solitaire et ne cherchant pas, pour une fois, la moindre altercation avec les raclures du coin.
Quand enfin elle estima qu'il était l'heure de partir, elle avait parcouru la distance qui la séparait de l'église avec un pas vif, si vif qu'elle était arrivée une demie heure en avance. L'endroit était désert, la nuit calme...A peine troublée par une racaille ou deux, sans intérêt.

L'église était un bâtiment lugubre. Vitanny le haïssait parce que les gens lui accordaient une trop grande importance, et parce que ça avait vaguement tendance à provoquer trop de conflits dans le monde entier. Que ces pensées ne soient pas rattachés à une sorte de pacifisme de la part de la jeune fille : dès qu'elle en avait l'occasion elle se délectait d'un combat de rue barbare et sanglant.
Comme elle était en avance, elle repartit pour un tour. Elle s'engagea dans une rue piétonne près de l'église, et se dirigea vers le cimetière. Quoi de plus glauque, près d'une église ? Les tombes se dressaient, comme autant de spectres de pierre, au milieu d'un terrain balayé par les feuilles mortes et le vent de l'hiver. Là, sous les pieds de la jeune fille, étaient enterrés des gens, des inconnus. Des gentils et des méchants, des salopards et des prudes. Là aussi, peut être, il y avait le corps d'une fille qui avait fait tant parler d'elle.
Machinalement, répondant à un instinct qu'elle ne s'était pas soupçonné, Vitanny chercha du regard la tombe d'une certaine Hana. Prononcez le nom dans cette ville et vous serez sûr d'attirer l'attention de tout le monde. Les gens se délectent des faits morbides et mystérieux comme l'assassinat d'une jeune étudiante...
Vitanny ne trouva pas ce qu'elle cherchait, et détourna son attention des tombes. Elle observa plutôt la route, longeant la clôture du cimetière, où passaient quelques voitures de temps à autres. Clôture qui n'avait pas échappé aux actes de vandalisation de quelques jeunes en manque d'action. En effet, le bois était arraché à un endroit, formant un trou assez large pour laisser passer un homme. Comme il était peu probable que ce soit un mort qui soit sorti par la clôture, Vitanny songea plutôt que c'était quelqu'un qui avait voulu rentrer par effraction. Mais pourquoi ne pas simplement chercher la porte d'entrée... Le cimetière n'était jamais fermé aux visites.

Un hurlement déchira l'air. Il était temps de retourner à l'église, elle en avait raz le bol de ce cimetière. Elle fit donc demi-tour et reprit le chemin de l'église, qu'elle voyait déjà. Sa silhouette massive et noir trônait dans la nuit, comme un signe de mauvais augure. Quand elle arriva au coin du bâtiment, s'apprêtant à rejoindre la place où l'attendait Zack (ou non, si il avait décidé de ne pas venir), elle perçut un mouvement vif du coin de l'oeil. Elle réagit trop tard pour esquiver le bras musclé d'un type dont elle ne voyait pas le visage, tandis qu'un autre s'approchait face à elle. Ils ricanèrent, bêtement, pensant surement avoir trouvé une jolie demoiselle à faire flancher devant leur virilité.
Mais c'était pas n'importe quelle jeune fille. C'était Vitanny, qui se hérissa rien qu'en sentant l'haleine alcoolisée de ses agresseurs. Elle se débattis, envoyant son pied exactement là où les types ne voulaient pas, et jouant des poings pour leur casser le nez, et quelques dents au passage.

Quand enfin elle arriva sur la place de l'église, la rage brillant dans le fond de ses yeux, elle ne put que se rendre à l'évidence : Zack était venu.
Le souvenir des deux crétins dans la ruelle s'effaça en quelques secondes. Ce n'étaient que des êtres sans importance, et elle n'avait même pas prit la peine de vérifier si elle les avait tués. Peut être bien qu'ils étaient morts, oui...
La jeune fille, dont les cheveux blonds volaient sous les assauts du vent frai, s'approcha de lui. Elle chercha quelque chose à dire, mais la seule chose qui lui vint à l'esprit était :

-Tu es venu.

Elle se planta face à Zack, essuyant une poussière imaginaire sur son jean noir. Pas si imaginaire que ça, la poussière, au vu de la trace de sang qu'elle récolta sur le dos de sa main. A croire qu'un des abrutis de la ruelle avait cru bon de cracher du sang pile sur sa cuisse. Toute fille normalement constituée serait devenue morte de honte pour avoir un vêtement taché. Mais Vitanny n'était à priori pas normalement constituée, et elle voyait cette tâche comme une sorte de trophée à exhiber discrètement à Zack. Ça signifiait « regarde, j'viens de faire mordre la poussière à un couple de tapettes en manque. »

-Ah vraiment, à moi ?

La jeune fille sourit et observa quelques instants son interlocuteur. Elle le trouva beau, dans un sens, droit au milieu de cette place, à un mètres d'elle à peine. Comment ne pas percevoir cette aura qui émanait de lui..
Pendant quelques instants, Vitanny était de retour dans son pays, ou ce qu'elle considérait comme tel. Les États Unis l'avaient accueillis pendant tant d'années...Elle se souvint de certaines soirées à prôner la violence, et à faire régner une tension inimaginable sur le quartier où elle habitait.
Ce Zack, qu'elle connaissait depuis moins de 24heures, lui rappelait certains de ses amis, gavés comme elle par l'argent sale de leurs parents, et qui dansaient dans les rues avec le danger. Il avait une certaine fierté dans le regard, une insolence à peine retenue, et un désir violent de s'adonner à tout acte qui pouvait lui procurer des sensations fortes.
Vitanny ne serait pas étonnée de découvrir qu'il avait une certaine affection pour la drogue.

Un cri retentit au loin dans les méandres des ruelles. La jeune fille tourna son regard glacé vers l'église, retenant une moue de dégout. Elle cachait difficilement sa répugnance pour la religion. Le silence retomba lourdement sur les environs, et l'étudiante se surprit à sourire.
C'était ce silence tendu qu'elle aimait. Le calme avant la tempête, comme disait le dicton, ou quand l'air se sature de précautions pour commencer la traque. Sauf qu'elle n'était pas la lionne ce soir. Elle n'était pas le prédateur qui guettait sa proie...Au contraire, les bruissements des ombres aux alentours ne présageaient rien de bon, et laissaient à supposer que les vauriens ayant chatouillé l'agressivité naturelle de Vitanny revenaient en force.
Elle aurait vraiment mieux fait de les tuer.

La jeune fille braqua son regard sur Zack avec un sourire mauvais. Est-ce qu'il avait comprit ? Voyait-il ce qui se passait non loin de là ? Cette idée de rencontre à la nuit tombée avait vraiment été la meilleure de la journée pour Vitanny. Elle allait pouvoir se rendre compte par elle même des capacités de la nouvelle recrue des Kuragaris. Ses sens étaient-ils aiguisés ? Sans aucun doute, avec un regard pareil. Avait-il le courage d'affronter des ennemis inconnus ? Elle l'espérait...
Mais elle même nota avec surprise la légère angoisse qui lui tiraillait le ventre. Elle voulait être certaine de se montrer à la hauteur, et elle s'en croyait capable. Après tout elle s'était prouvée maintes et maintes fois qu'elle savait planter ses lames dans n'importe quelle carcasse de chair et de sang.
C'était sans compter les ennemis de ce soir. Neuf contre deux, ça faisait un peu trop. Et encore, ça c'était dans l'hypothèse où son camarade de jeu pouvait effectivement tenir le coup. S'il trouvait le moyen de succomber trop tôt, ce serait probablement de neuf contre une.
La situation pouvait être pire, certes. Mais les neufs silhouettes qui sortirent de l'ombre ne disaient rien qui vaille.

Un sourire carnassier étira les lèvres rouges de la jeune fille à la crinière dorée.

-Let's play.

"Si tu es juste venue pour observer, dis le, je me les fais tous..."

Les yeux de la blonde brillèrent de surprise et de ravissement. Ses iris luisaient d'une joie certaine, et d'avidité, transformant son visage subtilement. Comme un enfant le soir de Noël, elle se délecta de voir que son camarade de jeu n'était pas du genre grande gueule, et que son air naturellement agressif n'était pas un effet de look.
C'était dans l'ordre du monde, de se faire passer pour ce qu'on n'est pas. La nature ruse, faisant passer de banales batraciens rouge pétant pour des grenouilles venimeuses, ou aidant inoffensifs reptiles à ressembler à leurs cousins au poison mortel. Zack aurait pu être de ceux qui, par leur attitude, cherchaient à se protéger des coups. Sauf que ce n'était pas le cas.
Déjà le sang maculait le sol, gluant et sombre dans cette nuit de violence. La nouvelle recrue des Kuragaris se débrouillait mieux que prévu, c'était bon à savoir. De neuf crétins avide de tordre le coup aux deux étudiants, il ne resterait probablement plus rien.

Elle voulu se mêler à la joie de Zack. Elle voulait transpirer d'adrénaline, et rendre autant de coups qu'elle en recevrait. Comme d'habitude...
La jeune fille esquissa un sourire malsain. Elle n'eut pas à bouger, deux crétins pensant s'en prendre au sexe faibles avec facilité s'étaient approché, craignant sans doute les attaques du garçon brun au rire dément. Les brutes prononcèrent quelques paroles de circonstance : on n'arrive jamais vraiment à les faire taire avant qu'ils ne perdent conscience, parce qu'ils croient utile de se vanter et de proférer des menaces. Vitanny n'y prêtait plus la moindre attention, et elle se contenta de braquer son regard bleuté sur eux. Son pied se leva, trop vite pour qu'aucun ne puisse parer le coup, et le premier s'écroulait en se tenant ce qui jusque là lui avait servit d'entrejambe, tandis que le second ceinturait la jeune blonde. Un coup de tête impulsif lui écrasa le nez dans un grognement de douleur, libérant Vitanny de l'emprise de l'homme. Elle lui fit face pour lui envoyer un nouveau coup dans le visage, se baissant vivement pour éviter les coups du premier type qui s'était relevé les larmes aux yeux. Un genoux lancé dans son estomac le calma à nouveau, le temps pour elle d'achever son second agresseur. Petit à petit, une sorte de folie furieuse s'emparait d'elle, et c'est à l'instinct qu'elle distribua des coups, de pied, de poing, des coups de tête aussi.

Au rythme auquel allaient des choses, elle présenti même l'intervention d'un troisième énergumène. L'éclat d'un couteau brilla dans la nuit, et ce n'était pas celui de l'étudiante. La manche de son blouson se déchira, dévoilant une plaie sanguinolente. Vitanny s'en moquait. Mais elle ne s'en jeta pas moins sur le type, esquivant sa lame, saisissant son visage dur avec ses mains pâles et parsemées de goutes de sang. Si elle avait pu lui arracher la mâchoire, sans doute qu'elle l'aurait fait. Mais l'os ne céda pas, malgré toute l'énergie qu'elle mettait à tirer dessus. L'autre brailla de douleur en sentant sa chair tirée et comme sur le point de se déchirer, tandis que les ongles de celle qu'il avait choisit pour victime s'enfonçaient sans aucune tendresse dans sa peau sale. Il tomba au sol dans ses gestes chaotiques pour se débarrasser d'elle, regardant avec effarement les yeux brillants de démense de Vitanny. Elle se redressa vivement et lui envoya une série de coups de pieds dans le visage et dans les côtes, avant de glisser un regard vers ses proies. Deux à terre et une chancelante qui revenait déjà à la charge. Au moins ils avaient le mérite d'être tenaces. Peu résistants, stupides, mais tenaces.

La jeune fille s'attacha les cheveux d'un geste expert. Ses mèches blondes et folles qui flottaient avec le vent avaient tendance à trop lui masquer la vue. Elle sembla soudain se souvenir qu'elle n'était pas seule dans cette histoire, et elle jeta un rapide coup d'œil à Zack. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle s'amusait.

Vitanny ne riait plus. Plus autant qu'avant. On aurait pu croire que l'excitation de la bataille redescendait peu à peu. On aurait pu croire aussi qu'elle était simplement fatiguée. Ou encore qu'elle n'avait pas envie d'achever le dernier malfrat. Elle était silencieuse et immobile, regardant sans ciller son partenaire de boucherie. C'est à peine si elle entendait les vagues phrases formulées par Zack. Lui étaient-elle même adressées ? La jeune fille blonde, droite sur la place, au milieu de la nuit, était perdue dans de sombres réflexions.

Il lui faisait penser à Aiden, dans un sens. Mais elle n'arrivait pas à voir en quoi. La force brute ? Mais Zack avait l'intelligence en plus, à n'en pas douter. Les yeux rivés sur son partenaire, ignorant même leur dernière victime qui reculait d'un pas tremblant. Dans ses yeux vides et larmoyants on pouvait voir l'hystérie dont il était victime à la vue de tout ce sang. Il était visiblement mort de trouille après avoir vu le sort réservé à ses partenaires. Il pouvait s'estimer chanceux, pourtant. Vitanny était certes bestiale mais moins encline à de telles effusions de sang. Ce qui lui plaisait, c'était l'action elle même, et elle pouvait volontairement prolonger un combat pour jouir plus longtemps de ce sentiment qui l'animait...
L'étudiante blonde détacha son regard de la silhouette menaçante de Zack, et d'un geste vif mais non précipité, elle envoya un couteau se planter profondément dans la cuisse du dernier homme debout. Elle s'approcha de lui, l'air désinvolte. Ce n'était plus drôle. Elle récupéra son couteau et évita un coup de poing avec agilité. Il lui criait des insultes mêlées à des supplications. Pathétique. Pathétique et même pas drôle.

La jeune fille se tourna et observa la scène. Les corps, allongés, étalés au sol. Et puis Zack, qui la regardait. Il s'attendait à ce qu'elle tue cet abruti, puisqu'il avait fait de même. Elle était la seule des deux à ne pas avoir achevé la totalité de ses adversaires. C'était bête, mais elle n'en voyait pas l'utilité. Ce qui la faisait triper, ce qui la transportait à des années lumières du monde réel, c'était cette putain de dose d'adrénaline pendant qu'elle se défendait bec et ongles. Tuer, c'était éliminer définitivement un adversaire. Elle pouvait le faire, mais encore une fois, elle n'en voyait pas l'utilité.
Le problème, enfin si on pouvait appeler ça un problème, c'est que Zack s'attendait effectivement à ce qu'elle supprimer le type. Il n'avait pas fait une telle démonstration de ses capacités pour rien. Et même si ce n'était pas formulé de la sorte...Vitanny se refusait d'avoir l'air de flancher au dernier moment. Elle regarda Zack, soupira, et affronta de nouveau la larve encore couchée au sol et gémissante. La lame de son couteau trancha la gorge, dans un gargouillement dégoutant et sanglant. La propriétaire de l'arme l'essuya contre son jean déjà taché de sang, et de nouveau fit face à Zack.

-Alors ça t'a plu.

Ce n'était pas une question, loin de là. Elle était certaine que le garçon avait prit son pied. Il n'y avait qu'à voir l'état lamentable de ses adversaires, et la joie malsaine qui pendant les combats s'était peinte sur le visage du nouveau Kuragari. Par cette simple phrase Vitanny concluait la bataille.
Du coin de l'oeil elle pouvait voir son côté de la scène, là où elle avait mis à terre trois des types. Mais bizarrement il manquait une masse sombre au sol. Elle tourna le visage et observa les lieux, alors qu'un grognement de mécontentement s'échappait de sa gorge blanche.
Elle aurait vraiment du tous les tuer. Les morts, ça marche pas. Et surtout, les morts, ça parle pas. Si l'idiot qui s'était enfui avait la bonne idée d'appeler du renfort...ou pire...

-Houston, on a un problème, dit Vitanny d'une voix sèche et teintée d'ironie malgré tout.

Elle aurait du s'y attendre. Cette petite, toute petite voix au fond de son esprit, ce qu'on appelait sa conscience et qui était actuellement noyé sous une tonne de sentiments et de pensées dépourvues de raison, lui avait chuchoté que laisser un gars filer après avoir mis une raclée, c'était pas vraiment une bonne idée. Mais tout de même, la jeune fille eut du mal à respecter les conseils de Zack et à rester de marbre lorsque toute la tribu de sauvages débarqua. Côté sauvagerie, on est d'accord que Vitanny et Zack n'avaient rien à leur envier. Ils jouaient très bien tout seuls avec une série d'objets tranchants et maintenant couverts de sang. Et les simples paroles du brun, « qu'il ramène du monde, la nuit commence à peine », n'était pas une invitation à prendre le thé. Ces deux jeunes là n'avaient rien de comparable à des enfants de choeur. Mais ils avaient beau avoir réussi à s'en sortir face à neuf dégénérés (gisant maintenant au sol), il commence à y avoir un peu trop de monde et un peu trop d'armes aux yeux des deux combattants.
Replis stratégique était une bonne idée. Même si le sang de Vitanny bouillait d'excitation et d'envie à la vue des motos ronronnant non loin d'eux. Les phares des engins, braqués sur eux, éclaboussaient le regard dilaté de l'étudiante blonde, donnant des reflets irréels à ses iris bleus glacés. La lumière vive était douloureuse, et elle ne voyait presque plus rien. C'était stupide de rester figer ainsi, car une vue altérée pourrait lui être fatale. Mais elle s'en foutait, la bande de voyous enragés en face d'eux avait quelque chose de fascinant, peut être l'unité qui les habitait. Ce qu'on ne trouvait pas chez les Kuragaris, malheureusement. Elle aurait aimé pourtant...
Zack, quand il n'était pas occupé à barbouiller de sang les pavés de la rue à coups de sabre et de poings, était jusqu'à ce jour ce qui se rapprochait le plus d'un camarade de jeu digne de ce nom. Et à deux, on n'est déjà plus seul. C'est le début de la pluralité. Et c'était plutôt sympa, dans le fond.

Pendant toutes ses réflexions qui envahissaient son esprit en refoulant la petite voix de la conscience, Vitanny exécutait à la lettre les conseils de Zack. Elle attendait que les loubards se rapprochent. Elle ne vit pas le clin d'œil complice de Zack. Elle n'avisa pas non plus dans quelle direction ils pourraient courir comme des lapins. Courir lui semblait stupide, de toutes façons, ils avaient des motos, les crétins en face. Et Vitanny avait beau avoir les cuisses vives, elle n'était pas sûre de pouvoir rivaliser avec des engins motorisés.
L'espace d'un instant donc elle se demanda si sauter sur eux par surprise n'était pas la meilleure solution. En frapper un, désarçonner un autre, prendre une moto et se tirer à toute vitesse... C'était tout à coup à ses yeux un plan digne d'un film d'action à l'américaine, et une sorte de curiosité malsaine la poussait à se demander si elle en était capable.
Mais d'un autre côté l'instinct de survie de Vitanny faisait des siennes, et elle se montra si réticente à ses propres idées qu'elle ne les exposa même pas à Zack. D'autant plus que germait déjà dans son esprit en ébullition une éventuelle solution au problème des engins motorisés des loubars : il suffisait d'aller là où eux ne pourraient pas passer. Ils seraient obligés de les suivre à pied, et là...là ils avaient nettement plus de chance de s'en sortir.

Détachant ses yeux bleus du troupeau de brutes épaisses qui ne cessait d'approcher en braillant et en riant grassement, Vitanny tourna son visage vers celui de Zack et marmonna d'une voix à peine audible :

-Si tu veux encore être capable de rire demain je te suggère d'aller faire un tour au cimetière avec moi, derrière l'église.

L'idée lui paru soudain brillante, comme la meilleure de la journée. Ayant arpenté la rue étroite quelques minutes auparavant, elle savait que des motos s'y engageraient difficilement, et obligatoirement une à la fois. Quand au cimetière lui même, la ville avait prit la précaution d'installer une porte anti-vélo, qui serait tout autant efficace pour les motos.
La jeune fille attendit donc le feu vert de son camarade, sans détacher ses yeux de son visage si expressif et si dénué d'émotions à la fois.

Quelle maladie contagieuse...
Quelques minutes plus tôt Vitanny regardait avec une pointe de mépris la joie malsaine que Zack prenait à faire gicler le sang avec le plus de barbarie possible. Jamais elle n'avait côtoyé de si près un démon tel que lui. La jeune fille semblait comprendre maintenant ce qui lui avait temporairement fait perdre son sourire... Elle avait sous les yeux un individu libre comme l'air, fluide, sans barrières, sans limites même.
Vitanny avait toujours prétendu voler au-dessus de tous les interdits, bafouant les lois, ne s'arrêtant sous aucun prétexte, ni la douleur, ni la pitié. Zack pourtant allait plus loin qu'elle. Montant toujours plus haut dans les sphères de la violence.
Lorsqu'il tressailli après les dernières paroles de la jeune blonde, lorsqu'il passa une main fébrile et souillée de sang sur son visage, elle songea qu'elle était bête d'avoir peur de se laisser aller. Le garçon à ses côtés avait l'air d'atteindre des sommets jouissifs en se battant, et visiblement le seul fait de penser aux futures batailles faisait naître en lui des frissons d'extase.

Elle entra dans le cimetière, et ses yeux de glace balayèrent les environs avec méthode. Il n'y avait personne ne vivant à part eux, et déjà derrière résonnaient les grognements enragés des motards contraints d'abandonner leurs véhicules. Sous les botes de cuir de la jeune étudiante, le sol de graviers crissait avec un son menaçant. Zack déjà prenait de la hauteur pour se faire une meilleure idée de la situation, ou pour mieux voir arriver ses proies.
Vitanny écarta sa veste et posa la main sur sa hanche, dévoilant la marque à l'encre noire qui faisait sa fierté dans les premiers jours de son arrivée au sein du gang. Dorénavant ce tatouage n'était plus qu'une vague mise en garde à l'attention de ses futures victimes. Ils posaient un regard inquiet et curieux sur la peau pâle de Vitanny, et reconnaissaient immanquablement le biohazard. Les Kuragari s'étaient fait une bonne réputation, malgré le manque de fermeté de la bande. Crétin d'Aiden.

Vitanny secoua la tête, il y avait trop de lumière. Il fallait que ce soir, ce soit le plus beau soir. On n'avait pas toujours la chance de passer la nuit en compagnie d'un véritable fauve. Il avait débloqué quelque chose en elle. Un interdit de longue date, qui prenait sa source dans l'existence même de Vitanny. Vivre pour la violence depuis son enfance, mais ne jamais tomber au même niveau qu'un vulgaire animal... Personne n'avait le droit de la juger, alors pourquoi un tel frein ? Alors que ça avait l'air tellement jouissif de se fondre à l'état sauvage. Réfléchir, et penser, avait toujours été source de problème. Les félins qui abattent un troupeau de gnous ont ils ce genre de réflexions ? Certainement pas.
La blonde ramassa une pierre sur le sol et la jeta avec force vers l'ampoule du premier réverbère à sa portée. La lumière tressailli, et finit par s'éteindre, arrachant un sourire ravis à l'étudiante, qui récupéra son projectile et s'approcha de sa prochaine victime. Elle voulait qu'il fasse nuit. Autour d'elle se dressait déjà une arène splendide, pleine d'armes improvisées, et parsemée d'assez d'obstacles pour se tapir dans l'ombre... se tapir et guetter... Dans son esprit de plus en plus limité à l'instant présent se dessinait le plan des prochaines minutes, voir des prochaines heures. La traque, voilà ce qu'elle aimait...
Trois réverbères périrent sous les assauts de la pierre, alors que les premières silhouettes, les premières ombres, entraient dans le cimetière. Vitanny adressa un regard brillant à Zack, observant une dernière fois son compagnon, avant de se fondre dans l'obscurité d'une pierre tombale et de glisser dans les ténèbres. Seule la blondeur de sa crinière était susceptible d'être aperçue par les pauvres hères qui entraient sur le terrain de jeu des deux fauves.

La lionne attendit quelques secondes de plus et bondit, enfonçant un couteau en travers de la gorge du premier type tombé sous ses griffes. Le sang lui éclaboussa le visage, arrachant à la jeune fille un sourire surprit. Elle asséna un coup de pied à un deuxième type venu en renfort, et de nouveau disparut dans l'obscurité...

Même aveugle, Vitanny aurait pu avoir une idée très précise de ce qu'il se passait dans le cimetière. Elle n'avait pas la prétention de considérer son ouïe comme exceptionnelle. Mais, obnubilée par la traque, elle laissait libre cours à son instinct, et ses sens s'en voyaient décuplés, si bien qu'il lui suffisait de tendre l'oreille pour comprendre ce qui se déroulait aux alentours. Les pas lourds et pressés des loubards étaient singulièrement différents de ceux de Zack : c'est à peine si elle entendait le garçon, et la blonde détournait parfois son attention de sa cible (quelques secondes tout au plus), pour vérifier si elle n'entrait pas dans sa zone de combat. Dans l'effusion bouillonnante de la bataille, elle craignait un coup perdu... venant de Zack, ou d'elle, d'ailleurs.

Accroupie à même le sol, piétinant sans vergogne un bouquet de fleurs qui avait été déposé au pied d'une tombe, l'étudiante regardait d'un air amusé les silhouettes mal à l'aise de la bande de gros bras arpentant le cimetière. Elle sentit le souffle de Zack près de son oreille, et resta immobile, frissonnante, tandis qu'il lui susurrait de laisser un gars en vie.
Quelques minutes plus tôt, elle n'aurait eu aucun mal concevoir cela. Quelques minutes plus tôt elle considérait qu'elle ne devait tuer ses adversaires que si c'était vraiment utile. Mais désormais, quelque chose avait lâché prise en elle, si bien que la question était de savoir si elle serait capable de se souvenir de la requête de son compagnon. Elle supposa que oui, et laissa repartir Zack avec un simple hochement de tête en guise de réponse.
Pendant les instants qui suivirent, seuls les garouillis sanglants et les grognements de douleurs à peine étouffés témoignaient de l'activité du garçon brun. Et Vitanny décrocha.

Prenant appuis sur la pierre tombale à côté d'elle, et fit un bon dont elle ne se serait jamais cru capable, atterrissant entre deux malfrats qui se tournèrent brusquement vers elle. Pas assez vite, cependant, car un uppercut vint cueillir le premier, tandis que la lame d'un couteau déjà couvert de sang s'enfonça dans les entrailles de l'autre. Il s'y enfonça une seconde fois sous le regard éberlué de l'homme, qui s'effondrait progressivement. Vitanny l'abandonna là, le laissant se vider de son sang, car déjà celui qui avait tâté de son poing vif tentait de se relever.
La jeune fille s'approcha de lui, presque souriante, le regard focalisé sur la tombe à côté du pauvre gars. La pierre ornementale, en forme de croix épaisse, se couvrit d'un liquide sombre et gluant lorsque Vitanny y écrasa le front de sa victime. La lionne récupéra sa lame, laissant là le mort au crâne éclaté et l'agonisant qui n'essayait même plus de retenir le flot de sang qui s'écoulait de son ventre.

La blonde recula avec un sourire satisfait, et sous le regard furieux de quelques autres voyous à la grande gueule, elle s'enfonça dans l'ombre en silence.

Doucement, elle s'approcha d'un homme. Elle ne voyait pas s'il était jeune ou vieux, s'il était armé ou non. Il se tourna vers elle, sentant probablement une présence menaçante. Vitanny lui sourit, d'un air innocent. Pour un peu, elle se serait fendue d'un « bonsoir ». Le loubard ne fut pas dupe face à l'ange blonde. Le sang qui luisait sur sa joue y était peut être pour quelque chose. Il leva un poing lourd comme pour l'abattre sur la tête de la jeune fille, mais ne balaya que le vide. Sa cible féline était déjà collée à lui, le regard brillant, dans une étreinte qui de loin aurait pu paraître tendre. Mais si la belle avait enroulé un bras autour de la nuque de la brute, c'était pour mieux trancher sa gorge, ce qu'elle fit avec une lenteur démesurée, arrachant un hurlement rauque à sa victime. Sur son cou roulèrent de grosses gouttes de sang, et Vitanny y gouta du bout de la langue. Elle frissonna et écarquilla les yeux, un sourire malsain étirant désormais ses lèvres. Elle acheva son oeuvre d'un coup sec, et chercha des yeux une autre victime, désormais tenaillée par une faim barbare.

La jeune fille recula d'un pas, fouillant l'arène du regard. Elle en voulait un bien grand, un bel étalon où planter ses crocs... Ses yeux bleus aux reflets meurtriers se posèrent sur un homme qui regardait dans sa direction. Parfait.
Quelque chose lui effleura l'épaule. Elle braqua vivement son regard sur la silhouette à ses côtés, ne l'ayant pas entendu arriver. Alors que les muscles de son corps se tendirent comme pour affronter ce nouvel agresseur, un éclair de raison lui fit comprendre que ce ne pouvait être que Zack. Ou peut être était-ce ce regard qu'elle commençait à connaître, et à reconnaître.

Elle comprit qu'il voulait la regarder à l'oeuvre. Elle acquiesça, essuyant ses lèvres perlées du sang d'un autre, et avança vers celui qu'elle avait repéré quelques secondes plus tôt. Il s'élançait déjà de lui même vers le jeune fille, armé d'une longue barre de fer.
Mais pour quoi faire...
Vitanny esquiva félinement un premier coup, se faufilant à ses côtés pour lui asséner un coup de pied dans le ventre. Elle n'avait visiblement pas frappé assez fort, car il se tourna vers elle comme s'il n'avait pas été affecté par le coup. Elle recommença. Par deux fois il leva son arme comme un sabre, pour l'abattre sur l'étudiante blonde, et par deux fois elle l'évita pour lui rendre un coup de pied dans le ventre. Il soufflait de plus en plus fort, et se pliait bientôt en deux pour expirer bruyemment. Saisissant cette occasion, Vitanny s'empara de la barre de fer et frappa la tempe de l'homme avant de la lancer au loin. Elle ne voulait pas l'assommer, elle voulait se repaitre de sa faiblesse.
Ils partirent dans un corps à corps endiablé : quand il tentait de l'enserrer dans ses bras puissants, elle lui glissait entre les jambes pour ensuite lui grimper sur le dos en le dardant de coups de poignards. Mais sans le tuer. Non, pas tout de suite. Elle voulait d'abord jouer au lion et à la souris.
Il enrageait toujours plus, cherchant à la saisir par tous les moyens possibles. Aveuglée par sa joie perverse, Vitanny ne vit pas qu'il la faisait s'approcher de plus en plus du grillage d'enceinte du cimetière. Elle fut bientôt acculée et accusa le choc du poing lourd de son adversaire contre sa joue. Elle poussa un grognement de rage, mais ne se dépara pas de son sourire. L'autre en profita pour lui arracher son dernier couteau. Erreur que de croire que ça l'arrêterait.
La jeune fille attrapa brutalement le visage du loubard, et poussa la grosse tête hirsute de l'homme en arrière, dégageant son cou de taureau, malgré les coups qu'il lui envoyait dans les côtes. Et ouvrant grand la bouche, elle mordit à pleines dents la carotide du pauvre type. Il redoubla ses coups, mais elle ne les sentait pas. Elle était trop occupée à lacérer de ses dents la gorge de son adversaire. Lorsque quelque chose craqua sous les assauts de ses crocs, elle le laissa tomber au sol, non sans lui cracher dessus au passage. Il braillait des choses incompréhensibles (ce qui n'était pas étonnant vu qu'il n'avait plus de gorge) et Vitanny l'observait avec son éternel sourire, essuyant du revers de sa manche le sang qui lui barbouillait le visage.

A peine quelques secondes plus tard, elle bondissait déjà dans la direction d'un des derniers loubards. Elle était tellement plongée dans la bestialité qu'elle n'avait plus conscience de ce qui l'entourait. Elle ne voyait que le cimetière grouillant de types à massacrer. Et Zack...? S'il voulait vraiment avoir quelqu'un en vie à la fin de la soirée, il avait tout intérêt à se manifester, car Vitanny avait oublié jusqu'à l'existence même du garçon.

Avide de cette violence si délicieuse qui tirait chaque muscle de son corps, Vitanny était repartie à l'assaut. Déjà il ne restait qu'un seul homme, bien bâtit, attirant d'un point de vu animal. Mais une étreinte presque délicate raviva les restes de sa conscience, tandis que quelques mots glissés à ses oreilles achevaient d'attirer son attention. Elle se passa la langue sur les lèvres, gardant son regard de glace braqué sur l'ultime adversaire. Celui là n'était pas pour elle, Zack avait un dessein particulier pour lui.
Elle suivit son compagnon sans un mot, observant chacun de ses geste avec attention. Parfois, une mèche blonde collée par le sang venait lui chatouiller la joue et elle la dégageait du bout des doigts encore tachés de ce liquide rouge qui coulait à flot dans le cimetière. Elle se demandait ce que Zack avait l'intention de faire, mais par respect pour son camarade de jeu, elle était résolue à attendre. Le suspense, la curiosité même, avaient tendance à l'émoustiller un peu plus.

Lorsqu'ils entrèrent dans le lieu saint, la jeune blonde ne put que se méfier. Elle avait en horreur tout ce qui touchait à la religion. Le cimetière, ça passait encore, mais entrer là dedans lui donnait des frissons de dégout. Elle jetait des regards presque inquiets autour d'elle, et se retint de justesse d'émettre une protestation.
Quand leur victime cria, Vitanny posa sur lui un regard méprisant. Il faisait pâle figure face à deux étudiants, effectivement. Pourquoi était-ce devenu impossible de trouver des adversaires potables dans cette ville ? Faudrait-il qu'elle se batte avec des gens comme Zack, des Kuragaris, pour enfin s'amuser dignement ?

-Certains deviennes vraiment pitoyables à l'approche de la mort...

Les paroles qui sortirent de la bouche de Vitanny étaient sèches, rauques, comme si sa voix était sur le point de se briser. Elle n'avait pas pu s'empêcher de faire son petit commentaire, elle qui d'ordinaire n'aimait pas vraiment étaler ses impressions. Mais avec Zack, c'était différent, il la mettait en confiance avec elle même.
La blonde ne pu qu'admirer le sens artistique de son camarade. C'était glauque, sanglant, mais c'était loin d'être insensé. N'importe qui d'autre à cet instant aurait dit que le garçon était fou. Mais ce n'était pas n'importe qui, là avec lui, c'était Vitanny...et elle était loin de voir un simple individu mentalement dérangé. Mettre en évidence le fruit de ses ébats nocturnes était une belle manière de signer ses actes, et de rappeler l'existence des Kuragaris.

Lorsqu'il eut finit sa petite cérémonie, Vitanny esquissa un sourire à l'attention de Zack. La jeune lionne prit ce qu'il lui lançait, et l'imita, avalant avec une sorte de ravissement les cachets qui, à coup sûr, allaient l'emmener plus loin encore dans cette nuit de réjouissances. Elle sentit dans le ton employé par le brun ténébreux une excitation similaire à la sienne, et elle s'accorda encore une fois le droit de prendre la parole, mettant des mots sur ses sentiments, et ses émotions :

-Sentir les artères battre au rythme des assauts, avides de violence, tandis que la tête menace d'exploser sous le flot d'adrénaline et l'intensité des coups. C'est se fondre dans la peau d'une bête sauvage et désirer de tout son corps déchirer l'autre et le voir se dissoudre en souffrance...

Elle réprima un frisson sauvage, tandis que ses yeux luisants se plantèrent dans ceux de Zack. Le souvenir du sang giclant sur la peau pâle du garçon, et sa chaleur contre ses joues, renaissait en elle lentement, comme un feu mal éteint. Où était la suite...

Dans la bouche de Vitanny coulait un liquide au goût amer qu'elle n'avait pas goûté depuis longtemps. Sa mémoire y attachait des souvenirs plus savoureux et vaporeux les uns que les autres. Les nuits passées à étendre son territoire, finissant on ne sait où sous la lumière tamisée de tous les vices. Il ne manquait rien au tableau de cette nuit pour s'identifier totalement à ses soirées aux États-Unis, à part, peut être, l'ivresse de l'alcool. Mais le sang qui ruisselait paresseusement sur le sol, et qui avait plusieurs fois envahis sa bouche carnassière, palliait ce manque.
Ses yeux se détachèrent lentement du regard de prédateur de Zack, suivant ses gestes, et glissant jusqu'au cachet orange qu'il avait déposé sur sa langue. Pendant un instant elle pensa qu'il prévoyait de s'envoyer en l'air tout seul, la laissant avec la simple trace des cachetons qu'il avait bien voulu lui céder. Et puis, il avança vers elle, et la lueur dans les yeux bleus de Vitanny changea subtilement. Elle comprit, et du se forcer à rester immobile, alors que son visage se fendait d'un sourire complice.

Dans son esprit embrumé de violence, les pulsions se mélangeaient, et se confondaient. Quand on cède la place à l'animal qui réside en chacun de nous, on ne peut pas exiger d'en accepter qu'une partie. C'est tout ou rien. Et toujours, le corps appelle le corps, que ce soit pour une étreinte mortelle, comme il y en eut beaucoup dans la soirée, ou pour s'enlacer avec plus de sensualité.
Vitanny se mordit la langue en silence, frémissant d'impatience en entendant les paroles envoutantes de Zack.
Elle voulait...sinon lui, au moins goûter à cette pastille que le fauve lui présentait comme une invitation. Un nouveau jeu s'annonçait, moins sanglant. Quoi qu'encore ce n'était pas sûr. Poussée par quelques instincts bestiaux, la blonde avait déjà plusieurs fois sentit un liquide chaud à l'arrière goût métallique franchir ses lèvres lors de soirées d'ivresses durant lesquelles les corps nus s'entrelaçaient.
Ces nuits étaient sa propre révolution, du moins lorsqu'elle vivait encore en Amérique. Il n'y était jamais question d'amour, ni de haine d'ailleurs. On se laissait simplement aller, savourant chaque victoire, et les fêtant dignement, avec profusion d'alcool et de drogues, pour s'envoler et lâcher toute emprise avec le monde. Ils étaient au dessus de tout... et depuis qu'elle était à Konoha, jamais Vitanny n'avait retrouvé ces sensations. Jusqu'à ce soir. Elle renouait avec d'anciennes habitudes, et les dépassaient. Elle avait vraiment trouvé un compagnon de jeu idéal.

Sa voix rauque, que le souffle court de la jeune fille à la crinière blonde rendait tendue, semblait dans un premier temps ne vouloir pas se faire entendre tant elle parlais à voix basse. Mais la curiosité et l'envie se faisant plus grande, elle susurra quelques mots en réponse à la proposition appétissante de Zack.

-Show me...show me what you' got.

Quand il posa une main dans sa nuque, la jeune fille cessa ses observations. Il n'y avait aucun doute. Y-en avait-il eu au début ? C'était une proposition indécente qu'il lui faisait, et elle n'allait pas attendre une seconde de plus avant de l'accepter. Dans le silence qui les enveloppait, les veines de Vitanny battaient avec une force bruyante. Elle n'aurait pas été étonnée de découvrir que Zack pouvait entendre les pulsions de son cœur avide.
La langue de la blonde, chaude et aventureuse, vint caresser sensuellement celle de son camarade, avant même que ses lèvres ne touches celles du garçon. Elle profita avec délice de leur chaleur et de leur saveur innovante, posant ses mains de part et d'autre du visage de son félin complice. Elle ne savait pas ce qu'elle était sur le point de partager avec lui. Elle s'en moquait, dans un sens, parce qu'elle lui faisait confiance, aveuglée par les pulsions qui l'animaient.
Elle colla son corps contre le sien, et le sang qui se trouvait sur chacun d'entre eux se mêla, alors qu'une nouvelle partie de la nuit s'ouvrait à eux. Et pour la seconde fois de la soirée, Vitanny lâcha prise. Les maigres traces de conscience qu'il lui restaient s'évanouirent sous les assauts impérieux de la luxure.