Intérêt eveillé

Le concours approchait doucement, comme à l'accoutumé lorsqu'un évènement devait survenir dans la vie du jeune homme. Et Kangae n'appréciait pas forcément d'attendre aussi longtemps. L'on pourrait se demander quelle vie peut mener un non voyant.. rester chez lui à lire des bouquins en braille.. ? Sortir avec son chien en guise de guide dans l'idée d'aller faire des courses...
Probablement. Sa vie n'était pas si banale ou aussi triste que l'on pourrait le penser. Tout mouvement agissait sur son esprit, et fuyait l'ordinaire..En revanche, il ne s'enlisait plus dans la lecture et n'exploitait aucune aide externe ni interne dans le seul but de sortir pour profiter d'une journée ensoleillé. C'était .. Mystère. Le mystère de toute une vie.
Entre ses mains trônaient un livre sur les règles des lois. Il souhaitait toujours apprendre plus que nécessaire quand bien même le centre de ses intérêts n'était pas ce à quoi on s'attendait.

En s'implantant dans cette ville, que risquait-il.. ? Qu'est-ce qui l'attendait dans ce monde où il ne savait presque rien si ce n'est sa propre adresse.., la salle d'escrime et le tribunal.. Rien. Nada. La raison de sa venue ici était celle de retrouver un membre de sa famille.. le seul qui lui restait. Et ce gars trainait dans la ville sans que le jeune homme ne puisse le retrouver sans l'usage de ses yeux. Pour ce faire, il lui fallait avoir des connaissances, ne serait-ce que se mélanger dans la foule, parler, discuter.. Quitte à avoir des rapports plus intimes dans l'optique d'obtenir des informations. Kangae était ainsi, et se fichait pas mal des sentiments d'autrui, sauf s'il s'attachait à ladite personne.

Toujours est-il qu'en cet instant, il avait décidé de sortir en pleine journée pour visiter la ville. L'endroit pouvait s'avérer dangereux, mais rien ni personne ne le ferait reculer dans son insatiable curiosité. Alors.. il quitta son petit appartement douillet, éternellement accompagné de sa canne. Ses lunettes..il les gardait perpétuellement sur le nez pour dissimuler les cicatrices au niveau de ses yeux, ne souhaitant renseigner personne sur son trouble passé. Puis.. il arrivait souvent qu'on le prenne tel un homme normal et non comme un infirme grâce à ses lunettes de soleil.

L'air frais fit virevolter ses mèches sombres tandis qu'il avançait en agitant légèrement sa canne de droite à gauche, sans trop se forcer comme si l'ouïe fine pouvait le situer de sa position actuelle à une autre. C'est au bout d'un bon quart d'heure qu’il se rapprocha d’un lieu tout à fait inconnu, là où le brouhaha s’intensifia à mesure de son avancée.. Et alors.. ? Il se rapprochait d’un Lycée ? Ca ne devait être que ça. Dejà trop près, il flaira le parfum de quelques jeunes filles, et tiqua légèrement. S’il restait là, il n’allait plus s’en sortir.

♤ Poupée masquée ♤

-Et toi qui es si belle, tu devrait voir combien c'est magnifique!

Soleil au zénith au dessus de la roseraie. Ses rayons s'arrêtant à l'orée du domaine des reines-fleurs, pour mieux choisir lesquels seront les plus aptes à les éclairer sans les agresser, il se contentait d'éblouir sans brûler, laissant tout de même quelques coins d'ombre intime où il faisait bon de parler avec les plantes... Comme le faisait en ce moment Alice, plongée dans une conversation passionnée avec une plante fière aux pétales pourprés dont les feuilles lui chatouillaient les genoux. A ses côtés, l'étui au cuir élimé de son violon, ouvert, vide.

-Non parce que, tu vois, dehors, c'est pas trop ça. Ca fait vieille mémère et tout... Et si ça le fait pas, c'est le harcèlement permanent pour voir comment j'en joue.

L'instrument dont elle serrait délicatement le manche entre ses doigts s'était échoué sur son épaule, pratiquement immobile, contrairement au reste du corps, agité. L'arche lui-même décrivait de grandes courbes au-dessus de l'amas vert sombre devant lequel elle discourait.
Parce qu'elle avait toujours quelque chose à dire à quelqu'un, Alice. Et quand la personne appropriée ne se présentait pas, quoi de plus naturel que de l'inventer? La vieille peluche rapiécée qui dormait toujours au fond de son sac restait de loin son interlocuteur privilégié, mais aujourd'hui il avait eu droit à une grasse matinée prolongée. Et à ceux qui trouveraient ce comportement puéril, enfantin, attardé, ou autre chose du genre -déjà, elle ne leur en parlait pas...-, elle répondait qu'il y en a bien qui parlent à un journal, alors pourquoi pas à un nounours, un arbre ou une rose?

Le sujet du débat d'aujourd'hui était, comme souvent, la musique. La jeune fille trouvait les habitantes de la roseraie particulièrement réceptives à ces discussions: ne forcent-elles pas qui pose les yeux sur elles à écouter la symphonie silencieuse de leur beauté? D'ailleurs, elle avait un mal à la fixer en son coeur lorsqu'elle ouvrait la bouche.
Mais cela ne l'empêchait pas de se plaindre de ces lycéens, comme de la plupart des adultes, qui soient méprisaient son instrument, son absolu, soit, dans la majorité des cas, exigeaient qu'elle en joue dès qu'elle avait le malheur de l'offrir aux yeux du public. Seulement elle, comme si c'était une rose, elle le préférait silencieux.

Silencieux, pas comme le parc du lycée à ce moment-là, puisqu'une stridente sonnerie venue des bâtiments -son presque lointain, tant on avait l'air isolé dans ce paradis coloré, mais reconnaissable malgré tout- annonçait la fin de la pause de midi. Silencieux, comme Alice entre un sursaut qui interrompit sa tirade et le souvenir obscur de quelque chose à faire à l'écoute de cette musique rêche et insensible.
Mais pas silencieux très longtemps, puisqu'il s'agissait d'Alice, tout de même.

-Oh mon... Zut! Désolée ma rose, le devoir m'appelle... cette conversation sera remise à plus tard.

Rangeant à la hâte ses affaires, qui s'étaient peu à peu éparpillés -sac au milieu du chemin étroit qui parcourait le jardin, étui abandonné au pied des buissons- elle fit un clin d'oeil à sa confidente du jour et détala aussi vite que si elle avait eu un tueur à ses trousses -quoique...

-...Oh là là! Mais va devenir mon image d'élève sérieuse avec ça! Si je ne suis même pas capable d'aller aux cours de l'après-midi, quand est-ce que je pourrai assister à ceux du matin?!

...Inutile dans ces conditions de préciser qu'elle avait passé la matinée là.
Ne lui en voulons pas: le temps passe vite, en tête à tête avec une rose et une petit fille qui a su rester elle-même.

- - - - -

Encore bondé lorsqu'elle l'atteignit, le hall du lycée ralentit quelque peu sa course. Cela l'arrangeait un peu à vrai dire, puisque ça lui donnait le temps de remettre en place son illusion de personnalité, qu'elle avait partiellement retirée avant. Elle en profita pour vérifier qu'aucune épine ne l'avait suivie, en s'accrochant au pan de sa robe noire ou déchirant les collants immaculés qui cachaient ses jambes à la brise fraîche qui se prenait souvent à souffler sur Konoha, ses derniers temps.
Puis la course reprit, sur un rythme moins empressé -la noble poupée qu'elle s'efforçait de jouer n'allait quand même pas se mettre à courir dans tous les sens, fût-ce pour arriver à l'heure en cours, ce qui d'ailleurs était déjà loupé pour cette fois-.
Mais pas longtemps, encore une fois.
Focalisée sur on ne sait encore quelle pensée, elle fut réveillée par un choc qui la secoua au point de devoir faire un pas en arrière. Quelque chose avait heurté son front. Ou plutôt l'avait heurté. A moins que ce ne soit l'inverse, finalement.

La chose dans laquelle elle avait foncé avait à priori forme humaine -avec Alice, on ne sait jamais...- et ressemblait à s'y méprendre au dos d'une personne qui la dépassait bien de deux têtes. "Quelqu'un", donc, et deux choix radicalement opposés. Une fraction de seconde la fit désigner le second, sensiblement plus approprié.

-Oups désolée, je m'étais perdue dans les pensées et... Enfin voila.

Réplique teintée d'excuse et de maladresse, sur un fond carrément assuré, mais qui ne changeait rien au caractère naturel de la pique. Le tout assorti d'une gracieuse révérence, mais suffisamment vive et discrète pour empêcher les autres personnes présentes de se retourner sur la scène qui se déroulait là. Et tandis que son corps jouait son rôle quasiment par réflexe, elle décida parmi une autre paire de choix de ne pas s'arrêter là, ou plutôt si, de rester arrêtée.

-Par contre vous... Vous avez l'air de vous être perdu dans le lycée, non?

Ce bruit.. Brouhaha incessant qui tiraillait son esprit mis à vif. S'ils savaient tous qu'il pouvait entendre si bien leur chuchotements, peut-être aurait-il droit à une paix momentanée, capable de le rasséréner dans ce qui constituait être sa vie. Il ne savait plus, son sens de l'orientation faisait des siennes.. la vie y grouillait si facilement qu'il se sentit tel un parasite. Certaines personnes portaient des lunettes de soleil dans l'optique soit de se protéger du soleil, ou de frimer plus que de raison, tandis que lui, d'une, dissimulait les cicatrices bordant ses yeux, et de deux, les portait pour dissimuler sa non voyance. Car oui, il pouvait rendre 'aveugle' autrui grâce à cette paire de lunette noire aux verres rouges bordeaux puisqu'on ne le penserait pas de prime abord, aveugle. Enfin, lorsqu'il décida de faire un pas ou deux, on le bouscula légèrement, tandis que sa canne gêna le passage.

Il aurait apprécier la ranger quelque part, mais dût la conserver tout près de lui. Car les lunettes avaient beau y faire, il n'y voyait rien, et les autres pouvaient à tout hasard le comprendre par le biais de cette canne. IL chercha un point de repère, un endroit vers lequel il se dirigerait pour quitter ce nid de jeunes adolescents et pré adultes avec qui il n'avait aucun envie de partager la moindre discussion, le moindre mot, la moindre expérience. Il n'évoluait plus dans leur sphère. Tel un homme stable, personne ne le jugeait, vivant sa période d'insertion dans le monde de la justice tout doucement mais surement. Revenons en au fait qu'il tentait de quitter ce Hall dans lequel il s'était bêtement perdu. Bien décidé à partir, quelque chose lui rentra dans le dos, lui faisant perdre un peu de son équilibre sans toutefois le destabiliser pleinement.

Il obliqua doucement son visage vers cette.. intrusion, sans chercher à se retourner complètement etant donné que voir, ne lui servait à rien. Non.. le parfum chatouillant ses narines n'avait de cesse de décrire combien les filles sentaient bon. Enfin, il lui fit à peine face, profilant de moitié son visage stoïque alors que la voix fluette s'éleva dans l'air, tuant les divers sons alentours. Son excuse ne toucha pas une seule seconde Kangae qui demeura inerte et de marbre. Il regardait vers la source de chaleur qu'il sentait proche de lui sans pouvoir poser ses prunelles blanches sur ce petit brin de fille. Il dénota une légère harmonie dans le timbre de sa voix, et la trouva confiante. Il étrécit des yeux subitement à travers ses lunettes et pesta en son for intérieur face à la pertinence de ses dires. Comment était-il aussi naif ? Il baissa à peine son visage vers le sol et lui présenta un sourire d'excuse, plus destiné pour lui qu'autre chose :

- Ca se voit tant que ça.. ? Je croyais passer inaperçu.

Il se pinça à peine les lèvres et trouva que le silence prenait une place plus grande dans le Hall.. Il se focalisa de nouveau sur elle :

- Je ne suis ni élève, ni enseignant.. Je pensais voir quelqu'un... dans ce genre d'endroit mais il semblerait que je me sois trompé.. Il n'était pas forcément bavard mais, si cette dernière pouvait lui permettre de garantir son billet de sortie, autant lui parler plus avant : Et toi donc.. ?

Oui, la question était vaste, et cette dernière pouvait à loisir lui répondre comme elle le désirait.

♤ Poupée masquée ♤

Coin de sourire illuminant juste assez son visage pour lui donner l'air aimable, regard malicieux et vivant, aucune insolence ni dans le ton ni dans l'attitude. L'adolescente s'était donné du mal pour s'éloigner autant que possible de la "Alice" qu'elle jouait habituellement, fière et buttée. Une explication? Il y avait là un adulte, inconnu de surcroît. Pas besoin de se braquer face à quelqu'un qui, théoriquement, n'avait aucune raison ni aucun plaisir à lui marcher sur les pieds. Là, il s'agissait de se faire humble et serviable aux yeux de cet interlocuteur impromptu... Yeux qu'elle ne voyait pas d'ailleurs, cachés derrière l'écran rougeoyant de ses lunettes. Chose curieuse, car s'il n'y avait pas à s'inquiéter de la présence d'un tel accessoire dehors -encore que...-, leur porteur se privait une fois dans le lycée des complexes jeux de lumière du hall, sujet d'émerveillement à chaque passage. Et Alice ne croyait que peu à un vulgaire besoin de suffisance qui motiverait leur port en un tel endroit.

Mais elle garda ses interrogations et remarques diverses derrière son masque, car, comme lors de prendre la parole, choisir la bonne hypothèse devrait attendre d'avoir tous les éléments en main. Les théories farfelues n'étaient ici pas à débiter à haute voix, bien que sa tête en était déjà pleine. Et puis, son temps était terminé, voila ses réponses qui arrivaient.

- Ca se voit tant que ça.. ? Je croyais passer inaperçu.

La netteté avec laquelle la phrase lui arriva fit remarquer à la jeune fille combien le hall s'était vidé. Il ne restait que quelques indécis qui se demandaient encore s'il valait la peine de monter les grands escaliers vers les cours, ou d'autres qui ne s'en souciaient pas et attendraient d'avoir fini une des passionnantes conversations dans lesquelles ils étaient plongés pour partager la question avec la bande plus ou moins restreinte qui les entourait. La disparition du brouhaha désordonné de la foule d'élèves lui permit aussi de comprendre le sens de la réplique sans plus faire de véritable effort d'écoute. Un sens qui aurait pu déclencher un éclat de rire quand elle ne laissa passer qu'un gloussement silencieux, d'abord par respect pour les règles de politesse qu'elle s'était imposé, et par besoin d'une discrétion relative. Nul besoin d'attirer toute l'attention sur elle -pour une fois!

-Déjà qu'un adulte passe difficilement inaperçu au milieu d'élèves, si en plus il ne ressemble pas à un prof connu du lycée, ça risque d'en étonner certains.

Maintenant que les mots passaient ses lèvres, la jeune fille vit ressortir la question de la montagne qui reposait dans sa tête. Etait-ce vraiment un professeur du lycée? Un nouveau? Ou un qu'elle ne connaissait pas encore, ce qui n'était pas dur vu son arrivée récente. Mais l'inconnu démentit immédiatement son idée en lui avouant être totalement étranger à l'établissement. Totalement, ou presque, puisqu'il était venu y chercher quelqu'un. Alice réfléchit alors à ce "quelqu'un" qui le forçait à s'aventurer jusqu'ici; peut-être un élève. Mais, tout comme les enseignants, et à plus forte raison, elle savait d'avance qu'elle ne trouverait pas réponse dans son esprit. Cependant le questionner plus avant se trouvait sur la limite de son rôle, elle devrait prendre son mal en patience, mais ne sut sur quoi enchaîner quand la réplique de l'adulte se prolongea en question. Elle? Si surprise par cette interrogation qu'elle manqua d'en lâcher son masque en montrant sa décontenance, elle se contenta de laisser passer un instant avant de parler à nouveau.

-Ah moi... Je voulais aller en cours, mais incapable d'arriver à l'heure que je suis, ça doit être trop tard maintenant. Ca sera pour la prochaine fois.

Tandis que les mots, préalablement choisis, n'avaient plus qu'à franchir ses lèvres sans qu'elle ait besoin de superviser la manœuvre, son cerveau fonctionnait, une fois encore, à plein régime. Mais là, on lui avait donné un sérieux problème: dès le début de la rencontre, on ne lui avait pas manifesté grand intérêt, à la si remarquable Alice. Preuve était que son interlocuteur s'était à peine retourné vers elle, que son attitude ne l'avait absolument pas surpris. Elle avait même pu noter une indifférence opaque incrustée dans ses traits, elle qui avait toujours été habituée à voir une réaction, quelle qu'elle soit. Mais puisqu'il s'était donné la peine de la questionner, ne fut-ce que pour alimenter la conversation, elle se dit qu'elle pouvait bien pousser la curiosité un peu plus loin.

[b]-Mais, si vous vous êtes juste arrêté là, comment vous pouvez savoir que celui que vous chercher n'y est pas? Ce lycée est plutôt grand. Et puis peut-être que je le connais, je pourrais vous aider...[b]

Sa dernière phrase était évidemment fausse, puisqu'elle ne connaissait quasiment aucun des élèves de Daiki. Sauf monstrueux hasard, elle ne saurait pas l'aider. Quoi qu'elle avait bien envie de continuer à jouer, son rôle face à cette personne était facile et sans grosses contraintes. Bien sûr, elle ne savait encore que faire de ses absences de réaction, mais la facilité est ennuyeuse. C'est pourquoi elle espérait faire durer le plaisir autant que possible. Seulement pour jouer, encore faut-il un partenaire, ou, au pire, un public.

Son ouïe fine l'avertit du nombre exact de personnes flânant dans le hall et les couloirs d'à coté. Ils étaient dans la douzaine à errer ou discuter sans aucun scrupules, faisant fi des cours qu'ils manquaient. L'école.. l'éducation nationale. Tout ce que Kangae n'avait pu connaître car il n'avait pas été normal du temps de son enfance et de son adolescence, puisque Handicapé. A quoi bon s'en rappeler, etant donné que se rapporter au passé et y toucher revenait à souffrir, ni plus ni moins. Il vivait plutôt bien son inaptitude à voir et ca n'empêchait pas d'être en compagnie de créatures charmantes ou de potes un peu rebelles.

Alors comme ca, il en étonnait plus d'un... L'étonnait-il.. ? C'était à se demander. Toujours est-il qu'effectivement, il ne la laissait pas indifférente puisqu'elle s'était arrêtée dans son chemin au lieu de continuer. Évidemment, il devait avoir l'air plus adulte, sérieux que les adolescents de cette école. Outre ce fait, il était habillé en blouse jean sombre et portait des lunettes de soleil.. Et pourtant, dans la rue, il passait inaperçu. Il sentait rarement les yeux posés sur lui, peut-être parce qu'il était dérangeant. ou par compassion..? Il ne savait guère et il s'en contrefichait. Tout ce qui l'intéressait en ce moment même, était Kuragari Heikichi. Son cousin. Mais même lui ne le reconnaitrait pas dans ce lycée pour la simple et bonne raison qu'ils ne se connaissaient pas de visu. A son grand dam. Alors comment le retrouver..

L'idée de demander à la jeune femme était sympathique, mais gênante. Jamais Kangae tendait à dépendre d'autrui, c'était là une règle à laquelle il n'échappait jamais depuis qu'il était aveugle. On a tendance au début à ne pas savoir où on va, ce que l'on doit faire, et pour une personne de la trempe de Hisame, fier et indépendant de nature, l'optique ne serait-ce que dépendre d'un membre de sa famille le répugnait. C'était donc pour cette même raison qu'il ne lui demanderait rien. Mais au lieu de s'enfoncer dans ses méditations, l'homme demeura immobile, inerte et stoïque devant la jeune fille, à l'ecouter. Il lui faisait face mais n'exprimait qu'une parfaite et insolente neutralité. Du reste, il commençait à se tenir sur sa canne non pas pour afficher un quelconque ennui à leur encontre, mais plus par habitude.

La question de cette dernière, dont le nom lui était encore inconnu, tombait finalement à pic. Car si Kangae n'était pas capable de demander de l'aide, il pouvait au contraire profiter de toute occasion susceptible de l'aider ou d'avancer. Il ignora directement la première question, car discret et secret quant à ses techniques odorantes ou auditives, puis ferma les yeux. Il ôta délicatement ses lunettes avant d'abaisser légèrement du visage, et de diriger sa dextre vers ses paupières qu'il commença à masser. Il fatiguait... Les cicatrices jalonnant le contour de ses yeux ne furent que rapidement en contact avec la lumière du jour puisqu'il replaçait déjà ses lunettes sur les yeux, déclarant d'une voix calme et profonde :

- Si tu connais un Kuragari Heikichi, j'aimerai aller à sa rencontre. Mais si ce n'est pas le cas, je n'ai rien d'autre à faire ici... A moins que tu n'attendes une invitation de ma part à aller au café.. ? Ou à te balader..