Décision de dernière minute [Pv Alchoupinet]

Invité

Partagée. Le maître-mot de la journée de Yuki. Entre concentration et absence, à un tel point aujourd'hui que les professeurs avaient renoncé à la ramener sur Terre, comme ils en avaient pris l'habitude lorsqu'elle s'égarait dans ses rêveries. Entre fausse neutralité et bataille ouverte, à l'intérieur d'elle-même, où la tempête faisait rage, chacune de ses pensées venant en contredire une autre. Perdue entre l'incompréhension et l'appréhension. Le doute et l'impatience.

Alors que le dernier cours de la journée s'achevait, assez tôt dans l'après-midi, la jeune fille se demandait encore ce qui lui avait pris d'accepter une invitation au bal de ce soir. Elle qui s'interdisait le moindre contact chaleureux humain depuis si longtemps qu'elle n'avait l'impression de n'avoir jamais connu l'amitié. Bien sûr beaucoup de gens, et surtout depuis qu'elle était arrivée ici, avaient essayé de lui montrer que son choix n'était pas le bon, si bien qu'elle se mettait à y réfléchir de plus en plus, tout en s'accrochant encore à sa solitude. Mais de là à mettre les pieds à cette soirée, où le but n'était quand même pas de rester seul dans son coin en attendant impatiemment la fin, elle trouvait cela plus qu'improbable. Et encore plus lorsqu'elle repensait à celui à qui elle avait dit oui.

Yuki vida la totalité de son esprit en entrant dans sa chambre. Vu l'heure, elle était bien entendu innoccupée, à son plus grand bonheur. Elle aurait tout le temps de voir du monde ce soir. Si elle y allait. Car, malgré son engagement, l'imminence du moment crucial, et les multiples raisons qu'elle pouvait s'inventer, si l'envie l'en prenait, d'y aller, elle n'avait pas encore fait son choix. Allongée sur son lit, elle s'efforça d'endiguer les irréductibles pensées qui persistaient dans sa tête et resta ainsi jusqu'à ce qu'elle jugea bon de prendre enfin une décision. Au dehors, le soleil commençait déjà à décliner, mais la chambre demeurait toujours aussi vide. Sans doute les autres occupants étaient-ils passés sans la voir et repartis aussitôt, pour ne pas être en retard.

Le plus lentement possible, toujours partagée entre la multitude de sentiments contraires qui commençaient à grandement l'agacer, l'adolescente parcourut des yeux le contenu de son placard. Y dénicha la robe que son frère s'était empressé de lui envoyer dès qu'il avait su qu'un bal se tiendrait au lycée. Elle ne savait pas exactement comment il avait été mis au courant, ni où il avait déniché le vêtement, mais ces questions si futiles par rapport à ses autres préoccupations ne trouvèrent pas les réponses qu'elles attendaient. Une fois le vêtement, qui tranchait sur son style habituel, enfilée, ses cheveux rassemblés en une tresse un peu lâche, laissant quelques cheveux s'attarder sur les contours de son visage et ses pieds chaussés d'escarpins à talon pas trop élevé, par soucis d'équilibre, Yuki se dirigea vers la salle de bal sans grand entrain. Elle n'avait pas fait attention à l'heure, donc ne savait pas réellement si elle devait se presser ou pas, et, plus grave encore, avait oublié de décider si elle laissait tomber la soirée ou s'y rendait malgré ses réticences. Enfin de toute façon maintenant, il n'était plus vraiment temps d'y réfléchir.

Parvenue au couloir qui menait à la salle de bal, Yuki commença à faire attention aux personnes qui l'entouraient. Finalement, elle ne s'estima pas plus en retard qu'elle ne l'avait craint. Ou du moins pas plus en retard que la plupart des élèves, puisque par la porte on pouvait déjà voir que la fête avait commencé. La jeune fille cherchait le visage d'Altaxar parmi les quelques étudiants, connus ou inconnus, qui s'attardaient dehors. Ne le trouvant pas, elle allait abandonner et faire demi-tour lorsqu'une main se posa doucement sur son épaule.

Etudiant

Altaxar y avait pensé toute la journée. La veille y était passée elle aussi. Rien n’arrivait à sortir cet événement de la tête du garçon. Il était à la fois pressé d’y être, et réticent à y aller. Rien que d’y penser, l’adrénaline faisait battre son cœur de plus en plus vite. Une de ses craintes était d’oublier quelque chose. Une autre était que Yuki, sa cavalière, ne vienne pas. Il repassa dans sa tête tout se qui «était susceptible d’être oublier. Il prit l’initiative de faire une liste pendant ce cours si ennuyant, au moins, là, il servirait à quelque chose.

Puis, il repensa à Yuki. A la belle jeune fille qu’il avait invitée, et, qui, pour le plus grand bonheur d’Altaxar, avait répondu oui. Il n’avait pas vu ce qu’elle allait porter, mais, il lui faisait confiance, à elle, et à ses gouts. Pour sa part, il avait prit un smoking assez décontracté, à carreaux, avec un chapeau assortis. Il avait l’air d’un dandy habillé ainsi, cependant, il y avait pris gouts, et l’avait acheté sans hésiter.

L’ultime sonnerie, celle qui annonçait la fin des cours, et le début du week-end, retentit à travers tout le lycée. Aussitôt, il y eut une ruade du coté de la porte, et, le jeune homme réussi par un heureux miracle, à s’extirper de cette foule. Il rencontra Yumi, et lui parla quelques instants, car, il était pressé, et elle aussi. Elle allait au bal avec ce Sasuke. Il avait hâte de voir sa tête à celui-là. Il serra les poings. Puis, il se ressaisit, et fonça vers sa chambre, où il ne cessa de penser à Yuki.

Il n’était pas vraiment au courant de l’heure à laquelle commençait le bal, mais il en avait tout de même une très vague idée. Il devrait surement commencer en début de soirée. Il tenta de se décontracté durant le temps qui lui restait, avant qu’il ne commence à se préparer, avant qu’il ne parte. Sans réel succès. Il se leva de son lit, où il s’était assis en tailleur, et retira délicatement la veste et le pantalon du cintre au quel il s étaient accroché, depuis voilà déjà une semaine. Il enfila l’ensemble, se regarda dans la glace, pivota légèrement pour se donner un aperçut de l’arrière. Tout était parfait. Il ne manquait plus que les « finitions ». Il se dirigea vers la salle de bain, y entra, et tenta de se coiffer. Une fois qu’il eut trouvé une coiffure convenable, il se parfuma légèrement, posa son chapeau sur sa tête, et entreprit de partir. Il ne devait pas se faire attendre.

Il sortit se sa chambre, prit soin de la verrouiller, et commença à se diriger vers la salle de bal. Il passa dans maints et maints couloir, descendants maints et maints escaliers, rencontra des personnes qu’il ne voulait pas rencontrer. Au détour d’un escalier, il croisa un groupe de jeunes filles qui n’avaient pas trouvé de cavaliers. Elles gloussèrent à son passage.

Plus la salle de bal approchait, et plus les lycéens devenaient nombreux. Bientôt, se fut une véritable foule qui encombrait les couloirs. A tel point que le jeune homme devait se glisser à travers de jeunes couples. Il arriva enfin près de l’entrée. Altaxar se mit sur la pointe des pieds, cherchant les cheveux bleus de sa cavalière. Bientôt, il la trouva. Elle le cherchait aussi, mais ne regardait pas dans la bonne direction. Il posa sa main sur son épaule. Approcha son visage de sa joue, et, y déposa un baiser. Puis, Altaxar prit Yuki par la main, et, ensemble, ils pénétrèrent à l’intérieur de la salle de bal. Elle était énorme, gigantesque même. L’adolescent trouvait la robe de sa bien-aimée magnifique, et lui adressa un regard qui signifiait :

« Tu es magnifique ».

Invité

Une légère pression sur son épaule avertit Yuki -sans qu'elle n'ait réellement besoin de vérifier, qui d'autre aurait pu l'aborder?- que son cavalier était arrivé. Avant qu'elle ne puisse se retourner, un baiser s'échoua sur sa joue, et, sans qu'elle n'ait non plus le temps d'aligner deux pensées cohérentes elle se retrouva dans la salle disproportionnée du bal. Altaxar le fixait d'un regard qui parlait à sa place. Mais plutôt que de déchiffrer son message, l'adolescente préféra s'y plonger carrément. Ressortit juste avant de se noyer, surprise de ne plus ressentir le besoin de l'éviter, comme c'était le cas jusqu'à récemment. Par réflexe elle l'expliqua en se disant qu'elle s'était plus ou moins préparée à ne pas être seule ce soir, voulant surtout écarter ce genre de réflexions inutiles de son esprit.

Seul le vide meublait un long silence sur le point de s'installer définitivement. A côté de cette absence de son ou d'actions qui entourait le couple, les bruits de la fête, autour, en devenaient assourdissants. Mais Yuki ne savait trop quoi dire, ou même quoi faire; ce n'était pas comme si elle avait vraiment l'habitude. Avant que son casse-tête intérieur ne devienne trop compliqué, elle décida de faire une entorce à ses habitudes, le temps d'une soirée. Aujourd'hui la solitude n'était pas sa cavalière, et, mettant à part ses réticences, elle reprit la main de Al', qui l'avait lâchée, souriante.

-On va danser? Enfin sauf si tu as une autre idée en tête.

Son attitude avait changé du tout au tout, le côté associable de sa personnalité cognant à grand coups contre la porte du placard dans lequel elle l'avait enfermé. Elle ne pensait pas encore aux conséquences de ce bal sur elle-même, sur son comportement vis à vis des autres, et tout ce qui allait avec, elle aurait tout le temps de s'en occuper après, lorsqu'elle aurait retrouvé le pleine possession de ses pensées et de ses moyens. En attendant la réponse de Al', elle s'était approchée, un peu, et détaillait le jeune homme, qui s'était lui aussi mis sur son trente-et-un. Avec un peu plus de retenue que d'habitude cependant, puisque cette fois elle savait qu'elle se ferait surprendre si elle insistait plus que de raison.

Etudiant

Après quelques secondes d’inactions totales au sain du couple, chacun détaillant l’autre, Yuki reprit la main du jeune homme, et déclara :

« On va danser? Enfin sauf si tu as une autre idée en tête.
- ça serait avec plaisir ma chère » lui répondit-il.

La jeune fille paraissait songeuse, comme dans un combat intérieur. Les deux jeune gens s’avancèrent ensemble vers le centre de l’immense pièce, où déjà, un bon nombre de couples dansait. La salle était très joliment décorée, avec un parquet resplendissant, sans doute n’avait-il pas beaucoup voir jamais servi. Toute une longueur de mur était couverte de miroirs, et une largeur était occupée par une buvette. Le plafond était sans doute à plus de six mètres au dessus des étudiants.

Les deux adolescents commencèrent à danser. Une valse. Altaxar espérait qu’au fil de la soirée, le répertoire changerais quelque peu, vers quelque chose de plus rock’n roll. Des robes de toutes les couleurs virevoltaient sur toute la surface de la salle, on se serait cru dans un bal de la Renaissance.

Tous les lycéens semblaient heureux d’être là. Tous ceux qui dansaient tout du moins. En effet, quelques uns n’avaient pas de cavalière à leur convenance. Ils étaient éparpillés aux quatre coins de la pièce, et attendaient, sans doute avec beaucoup d’espoir, qu’une meilleure partenaire s’avance vers eux. Seulement, les plus belles étaient déjà prises, et Al’ était content d’avoir l’une d’elle en face de lui, dansant avec lui.

Le garçon était content d’avoir appris à danser. C’était sa tutrice qui lui avait appris les bases de la danse de salon. Il était jeune, et avait été très réticent au départ, cependant, aujourd’hui, il était fier de lui, grâce à cette enseignement, il n’avait pas fais un seul faux-pas. Il eux une pensée pour ceux qu’il aurait aimés pouvoir appeler parents adoptifs. Après plusieurs danses, Altaxar demanda :

« On fait une pause ? Tu veux boire quelque chose ? »

Invité

-On fait une pause? Tu veux boire quelque chose?

La jeune fille, qui était partie se noyer dans une marée de pensées aux origines obscures, secoua sa tête, affolant les irréductibles mèches bleues qui s'attardaient autour de son visage lorsqu'elle se rendit compte qu'on lui parlait. Entre ses éternelles réflexions au sujet de son indécision et la concentration intense que nécessitait la danse, domaine dans lequel son compagnon était bien plus à l'aise qu'elle, ses oreilles mirent un temps fou à convaincre son cerveau d'accepter le message qu'elles lui transmettaient. Et après le temps de la compréhension vint celui de l'hésitation. Qui ne dura qu'une demi-seconde. Fidèle à sa résolution temporaire elle glissa à nouveau sa main dans celle de Al', et avisa le bar, plus loin.

-Oui, pourquoi pas.

Tandis qu'ils slalomaient entre les couples de la piste, Yuki dut lutter pour ne pas tomber. Un léger sourire survola ses lèvres lorsqu'elle pensa à retirer ses chaussures. Pendant la danse elle s'était contentée de suivre les pas de son cavalier, s'appuyant sur lui lorsque son équilibre était devenu trop précaire. Mais maintenant qu'elle n'avait plus de "tuteur" pour la soutenir, il était bien difficile de reprendre le contrôle de ses jambes. Finalement les deux jeunes gens s'extirpèrent de la piste et ses silhouettes mouvantes, et l'adolescente avait plus ou moins résolu ses problèmes d'aplomb. Elle s'arrêta et se tourna vers Al', avant de se mettre à son niveau pour continuer le chemin.

-Dis donc tu danses vachement bien toi!

Chassant le silence coutumier, qui n'était pas si gênant d'ailleurs, qui s'installait encore et toujours entre les deux étudiants, Yuki découvrait petit à petit à parler pour autre chose que pour repousser ses interlocuteurs. Le jeu commençait même un peu à l'amuser, tandis que sa solitude révolue lui rappelait qu'un jeu n'était pas destiné à durer plus longtemps que nécessaire. Mais déjà le bar était en vue, le temps de commander elle aurait oublier ses idées noires, indésirables dans ce genre de fêtes. Elle installa le plus beau de ses sourires sur son visage, para son regard de la lueur mi-rêveuse mi-présente qui leur était particulières et posa enfin la question qui brûlait ses lèvres depuis quelques jours:

-Au fait... Pourquoi est-ce que tu m'as invitée, moi?

La question, simple, avait exigé de la jeune fille qu'elle abandonne le temps d'une seconde son rôle de cavalière enjouée, mais elle s'était tellement bien appliqué à ne pas passer d'un extrême à l'autre aussi vite qu'on pourrait croire qu'elle juste enfin devenue "normale".

Etudiant

Après un temps de quelques secondes où Yuki était perdue à l’intérieur d’elle-même, elle prit la main du jeune adolescent, et, répondit :

« Oui, pourquoi pas. »

Sans prendre la peine d’acquiescer, Altaxar entraina sa cavalière en direction du lieu désiré. Ils se frayèrent un chemin parmi les différents couples. Il y avait ceux qui dansaient, plus ou moins bien évidemment, ceux qui se battaient pour un oui ou pour un non, ceux qui se bécotait, et même, de rares mains baladeuses qui allaient explorer les profondeurs des sous-vêtements conjugaux.

Yuki, elle, semblait avoir un peu de mal à suivre, sans doute ses chaussures lui donnait-elle une quelconque gêne. Puis, ils sortirent de l’amas de danseurs. Soulagement. On pouvait enfin respirer de l’air « frais ». Les deux jeunes gens s’arrêtèrent un instant, vraiment court, certes, mais juste histoire que Yuki se remettent de ses émotions, puis, lentement, ils reprirent leurs marche, d’un pas cette fois beaucoup moins rapide. Marche, pendant laquelle, la jeune fille lança à son partenaire :

« Dis donc tu danses vachement bien toi! »

Le garçon se sentit flatté, il n’espérait pas rougir à cette remarque. En fait, Yuki était la première jeune femme avec qui il dansait. En effet, la femme qui, étant plus jeune lui donnait des cours, et qui, par la même occasion l’avait recueillie chez elle, et élevé comme son propre enfant, n’était pas de toute jeunesse. Cependant, le jeune homme ne préférait pas trop s’étaler sur ce sujet. Un garçon qui avait fait de la danse, c’était un déjà peu la honte, mais un Hide en plus… C’était le comble. Soudain, un aspect de la chose, qui ne lui avait, au départ, pas ne serait-ce qu’effleurer l’esprit, lui vit en tête. Et si Yuki se sentait inférieur à lui en danse. Et si elle était ce genre de personnes qui ont un mauvais jugement d’eux-mêmes, il l’aurait alors, sans le faire exprès, blesser. Après avoir réfléchis à sa réponse, il déclara, avec un sourire :

« Merci… Toi aussi tu danses très bien. »

Le bar était proche. Le couple atteint la queue où quelques personnes patientaient. Ils n’attendraient donc pas longtemps leurs consommations. C’est lorsqu’ils s’installèrent dans la file d’attente que Yuki décida de poser cette question pour le moins embarrassante :

«Au fait... Pourquoi est-ce que tu m'as invitée, moi ? »

Les gens autours d’eux les regardèrent discrètement, sans doute, voulaient-ils savoir comment Al’ se sortirait d’une telle question. A cause de toutes ses personnes à son écoute, le garçon n’arrivait plus à parler. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Mais déjà, c’était à leur tour de commander. Altaxar n’eut donc pas d’autres alternatives que de détourner la situation par une tout autre question, même s’il comptait répondre à ce qui intriguait tant la belle, seulement, il le ferait lorsqu’ils se seraient un peu éloignés de toute oreilles indiscrètes, et là, c’était l’heure de la boisson :

« Qu’est ce que tu prends ? »

Le jeune homme passa la commande au serveur, et quelques instants plus tard, ils avaient chacun un verre à la main. Ils s’éloignèrent un peu histoire de pouvoir discuté tranquillement, atteignant les jardins. Altaxar entreprit alors de répondre à la question de Yuki. En fait, il ne savait pas s’il devait lui dire la stricte vérité, de peur de la blesser. Mais elle n’était pas idiote, et se doutait peut-être déjà que sa première demande avait té adressée à Yumi. Dans tout les cas, elle méritait de savoir que le cœur d’Altaxar balançait entre elle et la chef des Hide.

Le jeune homme ne voulait surtout pas blesser quelqu’un dans cette histoire, ni l’une, ni l’autre, et ne souhaitait pas non plus être un sujet de conflits. Une grande question s’imposa alors à lui : comment reformuler cela en faisant en sorte que Yuki le prenne au mieux possible ? Al’ ne voulait pas qu’elle se considère comme une seconde sur la liste, comme inférieur à Yumi, pour lui, elles étaient sur le même pied d’égalité. S’il avait fait sa demande à la blonde en premier, c’est seulement, et uniquement parce que l’occasion s’était présentée. Après quelques minutes de silence le plus totale entre les deux danseurs, Altaxar, après hésitations, répondit :

« … Tu veux vraiment le savoir ? »

Cette question était sortis de sa bouche sans même qu’il en eut conscience, en fait, elle était stupide, il y avait de fortes chances qu’elle veuille savoir, cette interrogation ne ferait que renforcer ses craintes peut-être déjà présente dans son esprit. Mais il attendrait sa réponse…

Invité

-Qu’est ce que tu prends?

N'ayant pas prévu que sa question soit éludée, Yuki fronça les sourcils lorsqu'elle se rendit compte de la réponse n'était pas une de celles qu'elle avait escompté. Sa demande lui avait semblée anodine pourtant; la dérobade du jeune homme n'en était que plus suspecte. En même temps, même si elle avait prit garde à ce que sa voix ne surpasse pas le brouhaha des conversations, quelques-uns l'avaient entendue. Sans doute Al' n'aimait pas qu'on écoute ses conversations, et attendait qu'ils soient sortis de la périphérie du bar pour répondre. Pressée de satisfaire l'insupportable curiosité qui lui tambourinait contre le crâne, l'étudiante prononça le premier nom de boisson qui lui vint à l'esprit, et grada le silence jusqu'au jardin. Son cavalier semblait en proie à une mystérieuse hésitation, mais avant qu'elle ne lui en demande les raisons il se décida à prendre la parole:

-… Tu veux vraiment le savoir ?

Nouveau froncement de sourcils. Cette étonnante attitude laissait la jeune fille perplexe. Elle était loin de se douter, lorsqu'elle avait posé l'interrogation, qu'elle aurait de telles conséquences. En quoi cela était-il gênant qu'elle veuille savoir pourquoi il avait demandé à la fille sans doute la plus associable du lycée de l'accompagner au bal? Sans le faire attention, Yuki se laissa légèrement emporter. Heureusement l'incompréhension étant plus grande qu'une certaine impatience, son ton s'arrêta seulement à mi-chemin entre le boudeur et l'exaspéré.

-Même si ça m'arrive de plus en plus ces derniers temps, je ne suis pas spécialement du genre à parler pour ne rien dire, et encore moins si c'est une question.

En entendant sa propre voix l'adolescente eu un imperceptible sursaut. Elle entreprit de se calmer avant de retomber dans son caractère habituel, qui ne l'aiderait en rien, et ne lui donnerait surement pas sa réponse. Elle lança un regard circulaire sur le jardin, plongé dans une semi-pénombre, plus ou moins ténébreuse selon les endroits. Quelques arbres, quelques couples éparpillés entre bancs éclairés ou recoins cachés dans l'ombre, ou bien des âmes solitaires en quête de tranquillité, l'extérieur de la salle de bal était bien plus calme et aéré que le reste des lieux. Yuki prit le temps de détailler chaque image qui se présentait à ses yeux, aux risque parfois de se montrer indécente, ses réflexes d'observatrice confirmée à l'œuvre. Alors seulement elle soupira, comme agacée d'elle-même, et compléta sa réplique, qui n'était pas le comble de l'amabilité.

-Désolée, j'ai vraiment un problème avec la politesse, ne fais pas attention. Mais enfin, pour te répondre oui, tant qu'à faire maintenant que la question est posée, j'aimerais bien savoir.

Le jeune fille porta son verre à ses lèvres, laissant son regard fixé sur Al', guettant une quelconque réaction, un changement d'humeur peut-être. Mais sa difficulté à obtenir cette simple réponse l'intriguait encore. Les détachant de son compagnon, elle abandonna l'idée de chercher ses informations sur son visage aussitôt que le verre eut rempli son rôle et s'en retourna sur ses genoux, calé entre ses mains. A la place ses yeux cherchèrent la faible lueur des étoiles, éclipsées par la clarté du clair de lune, effacées par les lumières tamisées de la fête. Zigzaguant d'astre en astre, petites lucioles argentées perdues dans un ciel trop grand pour elles, seules ses oreilles restaient connectées à la terre ferme, attendant ce qu'elles voulaient entendre depuis déjà de longues minutes.

Etudiant

« Même si ça m'arrive de plus en plus ces derniers temps, je ne suis pas spécialement du genre à parler pour ne rien dire, et encore moins si c'est une question. »

Ces quelques mots, cette unique phrase, résonna comme un écho dans la tête d’Altaxar. Lui qui pensait Yuki timide, calme et réservée, il avait maintenant la preuve que sa patience avait des limites, à ne pas dépasser. En effet, la jeune fille avait sorti ses paroles d’un air agacée, lassée. Ce ton inattendu révéla une chose à Al’ : il avait réussi à la mettre en colère, et, il ne comptait pas attendre plus longtemps pour s’expliquer, de peur de l’énerver encore plus. Cependant, avant même qu’il eut le temps d’ouvrir la bouche, sa cavalière parla à sa place :

« Désolée, j'ai vraiment un problème avec la politesse, ne fais pas attention. Mais enfin, pour te répondre oui, tant qu'à faire maintenant que la question est posée, j'aimerais bien savoir. »

Puis, après ces excuses, la belle but une gorgée lentement, fixant son regard sur le jeune garçon. Puis, reposant son verre entre ses mains, celles-ci posées sur ses genoux, elle se mit à regarder le ciel, écoutant l’explication qu’était en train de lui fournir l’adolescent, celui-ci passant quelques détails futiles :

« Bon, je me jette à l’eau. En fait, je dois avouer que tu n’étais pas la première personne à qui j’ai demandé de m’accompagner au bal. Bien sur, avant ma première requête, j’avais pensé à te demander, mais voilà, j’ai rencontré Yumi sur les toits, et c’est là que je lui ai demandé. Cependant, elle avait déjà reçu une invitation de la part d’un certain Sasuke. Ensuite, je t’ai demandé, et j’ai eut le bonheur d’entendre un oui sortir de ta bouche. Mais, crois moi, si j’ai demandé tout d’abord à Yumi, c’est uniquement parce que je l’ai croiser en première… »

Altaxar espérait ne pas avoir mis en colère Yuki plus qu’elle ne l’était déjà, et, il ne voulait pas non plus la mettre mal à l’aise. Comme pour oublier ses peurs, il vida son verre, qu’il avait à peine commencé, d’un trait. Une explosion de saveurs envahir alors son palais, faisant frétiller ses papilles, enfin, le torrent tomba dans l’œsophage, se transformant en cascade, avant de finir dans l’estomac. Ce dernier organe ne tarderait pas à être parcourue de crampes, faisant souffrir l’individu à qui il appartenait, autrement dit, au cavalier de Yuki, autrement dit, à Altaxar.

Yuki, admirant toujours la voûte céleste inquiétait de plus en plus le garçon. Celui-ci, plus stressé que jamais, s’attendant à tous les scénarios possibles, s’assit. Tentant de masquer ses angoisses, il sortit une cigarette de son paquet, et l’alluma grâce à un briquet qu’il sortit de sa poche. Le fumeur prit une première bouffée, la savourant.

Un grand silence s’installa. Deuxième bouffée. Altaxar ne fumait que très rarement, par période, lorsqu’il s’ennuie aussi parfois, mais jamais par dépendance, ne voulant à aucun prix entraver sa liberté pour des choses aussi futiles que le tabac. En fait, après réflexion, l’adolescent pris conscience que la plus part du temps, il fume parce qu’il est contrarié. Troisième bouffée, il attendait la réponse de sa cavalière, priant de toutes ses forces pour qu’elle soit positive…

Invité

Après avoir, enfin, obtenu sa réponse, Yuki garda encore le silence pendant quelque minutes. Mais ses yeux ne parcouraient plus le ciel: ils perçaient l'encre de la nuit, entre deux étoiles, figé, signe de sa réflexion. Rien dans le discours du jeune homme ne lui avait paru extraordinaire; elle ne comprenait pas qu'il ait hésité aussi longtemps.

Le bruit discret d'un briquet qu'on allume fit redescendre l'adolescente sur Terre. La fumée d'une cigarette planant autour d'elle lui annonça, sans qu'elle ait à le regarder, que le fumeur n'était autre que son cavalier. Néanmoins elle se tourna quand même vers lui.

Anxieux. C'était la première impression qu'il lui donna. Et encore, le mot paraissait bien pâlichon à côté de l'expression d'Al'. Devinant que l'agacement dont elle avait fait preuve il y a quelques instants y était pour quelque chose elle consentit, après plusieurs bouffées, à réagir. Pour l'occasion elle para sa voix d'une légère note de douceur, ne parlant pas plus fort que nécessaire pour être comprise:

-Merci de me l'avoir dit. Mais... Je suis un peu étonnée, on dirait que tu viens de me révéler le plus défendu des secrets militaires.

Sa question camouflée n'allait sans doute pas aider à détendre l'interrogé, mais Yuki n'avait pu la retenir. Sans connaître personnellement la fameuse chef des Hides, ni ce mystérieux Sasuke, elle ne concevrait que l'envie de comprendre les raisons de tant d'angoisse. Cependant elle se sentit aussi obligée de la dissiper, puisqu'elle était une conséquence directe de sa curiosité.

-Tu sais, ça ne me dérange pas du tout que tu n'aies pas pensé qu'à moi pour ce bal...

Repensant à son indécision de début de soirée, ainsi qu'à la solitaire endurcie qu'elle avait l'habitude d'être, elle compléta, baissant la voix, la rendant à peine audible, alourdie du sombre ton qu'elle lui imposa:

-...Au contraire même.

Baissant la tête, elle laissa son attention dériver dans le verre presque vide qui attendait toujours sur ses genoux. Non pas qu'elle ait déjà oublié la fête, son cavalier et tout le reste mais, à jouer le jeu depuis le début de la soirée, elle estima avoir le droit de s'accorder une petite pause. Le temps de s'infliger une claque intérieure, de boire le peu de liquide échoué au fond du verre pour reprendre ses esprits, et de se ré-intéresser à la situation présente. La cigarette à demi-consumée, Al' ne semblait pas moins tendu.

Cette attitude inhabituelle, en passe de la préoccuper véritablement, tire une grimace gênée, à moitié souriante, à la jeune fille. Le silence, tenace, se faisait de plus en plus pesant. Soucieuse de rester en bons termes avec le tyran du son, Yuki força son sourire à se faire plus sincère, et se risqua à saisir la main libre de son compagnon. Si cette dernière initiative, téméraire, s'effectua avec encore moins d'assurance qu'elle ne l'avait craint, elle espérait au moins réussir à apaiser Altaxar. Pour une fois qu'elle s'autorisait autant de libertés par rapport à sa solitude, autant que la magie ne se dissipe pas trop vite...

Etudiant

« Merci de me l'avoir dit. Mais... Je suis un peu étonnée, on dirait que tu viens de me révéler le plus défendu des secrets militaires. »

Libération. Cette phrase, Altaxar se la repassa dans sa tête, c’était la parole libératrice, en effet, une fois qu’elle proclamée, le garçon se détendit soudainement, faisant échapper de ses narines une bouffée de fumée. Il fit en sorte de terminer rapidement sa cigarette, se leva, écrasa son mégot dans un pot de terre cuite, qui servait de cendrier, tout en expulsant le dernier nuage gris de sa bouche. Alors qu’il allait se rasseoir, Yuki ajouta :

« Tu sais, ça ne me dérange pas du tout que tu n'aies pas pensé qu'à moi pour ce bal... »

C’est avec surprise que le jeune homme entendit cela. Il fronça soudainement les sourcils. Que ce tramait-il donc dans la tête de l’adolescente ? Il ne comprenait pas ce qu’elle voulait lui dire par cette phrase, qui lui paraissait bizarre. Il allait dire quelque chose, mais Yuki murmura pour elle-même :

« ...Au contraire même. »

Al’ se demandait vraiment ce qui mettait Yuki à ce refermer tel une huître sur elle-même. Il ralluma une autre cigarette, mais la consuma plus rapidement que la précédente. Si ça continuait, le paquet ne ferait pas la soirée… Pourquoi diable sa cavalière réagissait-elle ainsi. Cela lui rappela cette fameuse après-midi, celle où ils s’étaient rencontrés. La fois là aussi, elle s’était confinée intérieurement.

A présent, la jeune fille avait la tête baissée, les yeux posés sur son verre, le regard dans le vide. Quelques minutes passèrent, minutes qui laissèrent les deux danseurs dans un silence quasi-totale les laissant tous deux à leurs pensées. On n’entendait que la musique du bal, qui arrivait jusque là, ainsi que les quelques grillons, qui chantonnaient de ci de là, créant une atmosphère tranquille, et favorisant l’envie de rêvasser.

Altaxar se posait beaucoup de questions sur l’attitude de Yuki, et si c’était sa faute à lui ? Soudain, alors qu’il ne s’y attendait pas du tout, la jeune fille lui prit la main. Au moins, il avait la réponse à sa question, ce n’était pas de sa faute. La belle avait sans doute vu le visage tendu du garçon, traduisant sa contrariété. Nouvelle bouffée.

Une fois sa cigarette consumée, Al’ se leva pour jeter le mégot dans le cendrier, et posa son verre qu’il avait toujours dans les mains dessus. Puis, il s’approcha de Yuki, lui tendu la main, en lui souriant, et l’invita à repartir vers la piste de danse. Il se faisait tard, la fête allait bientôt se terminer. L’adolescent n’avait pas plus envie de danser que ça, mais, il pensait faire ainsi plaisir à sa cavalière, et profiter ce cet événement, qui ne se reproduirais peut être pas avant un bon bout de temps.

Invité

Après un interminable silence, une cigarette supplémentaire et une main posée sur une autre, Altaxar se leva. L'esprit de sa cavalière ayant profité du vide absolu qui avait occupé l'espace entre les deux jeunes gens pendant un instant, pour s'échapper, ce geste la surprit autant qu'il la réveilla. Craignant que sa timide tentative de réchauffer l'atmosphère ait échoué, elle ne put que fixer son compagnon qui se détournait, avant de revenir vers elle. Il était juste aller déposer son verre et son mégot. Yuki, retenant un soupir de soulagement, se réprimanda fortement de pouvoir s'inquiéter pour si peu, pour moins que rien. S'appliquant à ne rien montrer dans son attitude, elle se redressa et peignit la neutralité sur son visage comme si ç'avait été un baume aux vertus apaisantes.

Alors qu'elle s'acharnait intérieurement contre elle-même, prenant soin de ne pas froisser son enveloppe extérieure, Al' était revenu, et lui tenait la main, comme une invitation à retourner vers la fête. Levant la tête, elle s'assura qu'il ne restait plus aucune trace de tension dans son regard. Comme elle ne constatait plus rien d'anormal, elle respira profondément afin de se calmer à son tour et accepta la proposition en saisissant la main tendue. Le couple silencieux se dirigea vers les rayons éclatants qui sortaient du bâtiment jouxtant le jardin.

Le contraste entre le monde lumineux de la salle de bal et le royaume secret du jardin était tel que, de retour sur la piste, Yuki marqua un bref temps d'arrêt, éblouie. Une fois habituée à la clarté des lieux elle s'élança de nouveau derrière Altaxar. La soirée tirait à sa fin: les couples étaient sensiblement moins nombreux à danser. Parmi eux, quiconque aurait observé la petite adolescente aux cheveux bleus n'aurait pas su dire si ses interrogations de tout à l'heure étaient toujours présentes. Et seul son cavalier le saura, puisqu'elle lui confiera la mission -impossible?- d'y répondre, au détour d'une danse.

-Désolée de t'embêter encore avec ça mais... Je me demande toujours pourquoi tu as tant hésiter avant de me répondre.

Cette fois-ci, pour ne pas que sa voix ne tombe dans d'éventuelles oreilles curieuses à l'ouïe trop fine, elle avait confia ses doutes directement au creux de l'oreille d'Altaxar, dans un souffle, légèrement murmurés pour se faire entendre par-dessus la musique. Pour cela, elle avait du se dresser sur la point des pieds, pour compenser la différence de taille, insuffisamment réduite par ses talons peu efficaces. Reprenant sa place, elle attendit sa réponse, qu'elle daigne venir ou non, en fichant ses iris de nuit dans le regard du danseur, sans trop en contrôler l'expression, ce qui devait donner un joyeux méli-mélo de curiosité, de timidité et de détermination.

Etudiant

Yuki prit la main d’Al’, et ils s’avancèrent tous deux vers l’intérieur de la salle de bal. A l’intérieur, il restait seulement une vingtaine de couple qui dansaient. Le contraste entre l’obscurité des jardins et la clarté de la salle était presque aveuglante. Yuki s’arrêta quelques instants, surement pour laisser à ses yeux le temps de s’habitué à toute cette lumière. Altaxar, lui, continua son chemin comme si de rien n’était. La jeune fille le rejoignit quelques secondes plus tard, s’accrochant à son bras. Ils rejoignirent ainsi la piste, et, comme la musique n’allait pas tarder se finir, ils attendirent un peu sur le coté, le temps que la mélodie se finisse, il commencerait à danser lorsqu’elle reprendrait.

Le couple commença à virevolter au milieu des autres. Autres qui étaient déjà moins qu’à leur arrivé, certains couples étaient partis ne laissant qu’environ cinq ou six couple dans l’immensité de la salle. Soudain, Yuki stoppa net, se mit sur la pointe des pieds, et souffla dans l’oreille du garçon :

« Désolée de t'embêter encore avec ça mais... Je me demande toujours pourquoi tu as tant hésiter avant de me répondre. »

L’adolescent sembla surpris par la question, et mit un certain temps avant de revenir sur Terre. Il rengagea la danse, et réfléchit à la réponse. En fait, il avait été tellement plongé dans ses pensées lorsqu’il avait répondu à sa première question, qu’il n’avait eu aucun repère temporel. Tout en continuant de virevolter, le jeune garçon se pencha légèrement et répondit à sa cavalière dans un murmure :

« Je ne sais pas, je crois que je ne voulais pas que tu te fâche, oublions ça. »

Le couple continua de danser, jusqu’à l’ultime note. La musique s’arrêta, et ne reprit pas. Peu à peu, la salle se vida, et il ne restait plus qu’eux deux, debout, se regardant dans les yeux. Altaxar était réellement plongé dans les pupilles de la belle, et ne se préoccupait de rien autour de lui, une bombe pouvait exploser à coté d’eux, il n’aurait pas bougé. Sur le sol de la salle, il y avait des tas de ballons, de confettis, et d’autres trucs festifs. Les lumières s’éteignirent, les musiciens sortirent, ne laissant que le couple au milieu de la salle dans le noir. Les femmes de ménages remettraient la salle en ordre le matin. Derrière eux, les détenteurs d’instruments ne refermèrent pas. Il ne devait pas avoir les clés. Ou peut être ne voulaient-ils pas enfermer les deux adolescents, car, peut-être les avaient-ils appelé. Al’ était tellement absorbé par les yeux de la fille qu’il n’entendait rien d’autres que leurs respiration.

Invité

La demi-question ne trouva pas tout de suite sa réponse. L'esprit distrait, préoccupé par une nouvelle hésitation de la part de son cavalier, Yuki se surprit à resserrer son étreinte. Comme si être plus proche lui donnerait une occasion de capter les pensées de Al'. Mais rien ne se passa et elle dut attendre patiemment qu'il veuille bien lui répondre à haute voix.

-Je ne sais pas, je crois que je ne voulais pas que tu te fâche, oublions ça.

Oublier. Tant d'efforts pour cette simple demande de brider sa curiosité, et de remettre son interrogation à jamais? Alors qu'elle aurait voulu que, enfin, une réponse digne de ce nom atteigne ses oreilles, le murmure qu'elle perçut raviva le feu sous les braises, mais il ne repartit pas de suite en grand brasier. Alors qu'elle aurait voulu stopper la danse, les autres couples sur la piste, la musique et les musiciens, se détacher du jeune homme et le questionner jusqu'à avoir cette réponse qu'il lui refusait, elle ne put que rester dans la même position, et danser machinalement tout en s'efforçant de ne pas s'énerver pour si peu.

Mais il y avait tout de même de quoi enrager. Il était plutôt rare que Yuki pose une question parce qu'elle voulait vraiment en obtenir la réponse. D'ailleurs, les répliques évasives que son compagnon ne lui donnaient que plus envie, à moins qu'on ne puisse déjà parler de besoin, d'effacer enfin tous ces points d'interrogation de sa tête. Et puis tant de difficultés à prononcer une simple phrase, ou même expliquer ce qui n'allait pas, ne faisait qu'accentuer la suspicion de la jeune fille. D'autant que, vu le terrain sur lequel ils étaient, il en faudrait vraiment des tonnes pour qu'elle se fâche. De quoi Al' avait-il si peur?

De fil en aiguille, de notes en questions, le bal touchait à sa fin. Lorsque le dernier morceau eut fini de résonner dans la salle, l'adolescente se détacha de son cavalier, décidée à lui dire tout ce qu'elle avait gardé en elle jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent, mais son idée resta en suspens. Al' avait fiché son regard sans le sien, et si profondément qu'elle sentait que même si elle se cachait derrière ses paupières elle n'arriverait pas à briser le lien visuel. Sans parvenir à déterminer si la prison invisible qu'élevaient ces yeux en se posant sur elle était destinée à lui faire garder le silence ou non, elle se laissait peu à peu enfermer, oubliant ses questions et son incompréhension contrariée. Mais pas complètement. Avant de remettre définitivement ses interrogations à plus tard, elle se reprit et chercha les mots qu'elle avait réussi à rassembler avant de se faire hypnotiser.

En reprenant le contrôle de ses pensées Yuki remarqua que la salle n'abritait plus que leurs deux présences, et l'ombre de la nuit. Cela ne la gêna qu'à moitié, au contraire elle n'aurait plus à se soucier que leur conversation n'atteigne personne d'autre, seule la lune les écoutait. Et, en bonne confidente, elle n'irait le répéter à personne. Sa lueur argentée à travers la porte vitrée guida l'égarée à travers ses réflexions, et l'aida à surpasser le silence ambiant pour qu'elle parvienne enfin à ouvrir la bouche.

-Si tu ne veux pas que je me fâche, le meilleure solution ne serait-elle pas que j'obtienne ma réponse?

La phrase, avait été prononcée de la voix de ceux qui subissent un envoûtement, et qui ne sont déjà plus vraiment là. Distraite, l'attention monopolisée par quelque chose d'autre que par ses mots. Ici, en l'occurrence, le jeune fille mit cela sur le compte de ce regard d'une insistance sans précédent. Mais au moins elle avait réussi à parler. Maintenant elle pouvait de nouveau se relâcher, mais si possible essayer de ne pas se noyer.

Etudiant

Le silence continua. Soudain, Yuki, qui semblait réfléchir depuis quelques minutes, le brisa par ces mots, qu’elle prononça d’un ton qui ne lui ressemblait pas, comme si une autre personne parlait à sa place :

« Si tu ne veux pas que je me fâche, le meilleure solution ne serait-elle pas que j'obtienne ma réponse? »

Le jeune homme fronça les sourcils. Il ne comprenait pas ce qui qu’elle voulait dire ? Ne venait-il pas de lui offrir une solution claire à la question ? Il ne voyait pas ce qui la gênait tellement dans sa réponse. A sa place, il s’en serait contenté. Mais l’adolescente n’avait pas l’air d’être satisfaite du tout. Al’ n’aurait jamais pensé que sa réponse à la question initiale le mènerait jusque là ; mais ce sujet perturbait réellement Yuki, voilà déjà plusieurs heures qu’elle ramenait le thème dans la conversation. Un blanc d’environ deux minutes suivit les mots de la jeune fille, avant que le garçon ne réponde. Deux minutes, c’est long dans le silence le plus totale, d’autant plus quand on a le regrd plongé dans les yeux de la personne qui vous fait face :

« Je m’excuse, pour moi la réponse était claire, mais, puisqu’elle ne l’est pas assez pourtoi, je vais faire mon possible pour qu’elle te convienne. »

Le garçon marqua une légère pause avant de reprendre :

« En fait, je vais t’avouer que la réaction après ma toute première réponse, tu sais, quand tu t’es un peu énervée, et bien cela m’a fait découvrir une partie de toi que je ne connaissais pas. Je connaissais la Yuki timide, celle qui aime la solitude… Enfin, tu vois quoi… Mais là, le fait de te voir fâchée… Ce n’est pas que te pensais simplette, et sans caractère, loin de là, mais ça m’a fait ouvrir les yeux, et je ne te connaissais peut-être pas assez pour savoir qu’elle réaction tu aurais après que je te dise la vérité. Pour tout te dire, je te trouve plutôt cool, certaines seraient partie sans demander leur reste dès que je leur aurais dit qu’elle n’était pas la première à qui j’avais fait ma demande, mais toi tu l’as bien pris, c’est une qualité, enfin, pour moi sen est une. »

Altaxar avait dit cette tirade d’un ton on ne peut plus sincère, car ce qu’il venait de dire, il le pensait vraiment. En vérité, après mûre réflexion, il n’avait jamais été aussi sincère envers quelqu’un. Après ces paroles, un silence, qui parut au garçon une éternité, s’installa, le plongeant encore une fois dans l’anxiété. Machinalement, sa main se dirigea vers sa poche, puis, il se retint, il devait faire cesser cette manie d’allumer une cigarette à chaque contrariété.

Invité

Yuki chassa tout l'air qui s'impatientait dans ses poumons. Elle n'avait pas remarqué qu'elle retenait sa respiration, au point d'en avoir mal au cœur. Il fallait vraiment qu'elle arrête de penser, si ça lui provoquait des réactions du genre... Enfin après tout ça elle avait eu ce qu'elle voulait, ou du moins elle en avait eu assez pour ne plus harceler son cavalier de questions. Seulement quelque chose la dérangeait encore dans ce discours. Quelque chose qui n'aurait d'ordinaire pas eu tant d'importance pour elle, mais qu'elle se devait de corriger quand même, au cas où.

-Si je t'ai fait cette impression-là juste ce soir, ça peut prêter à confusion. Je pense que dans mon état normal je ne serais pas partie non plus, puisque je ne serais peut-être même pas venue. Je ne sais pas non plus si j'aime vraiment la solitude mais disons que... Je préfère rester avec elle, même si, comme ce soir il peut y avoir des exceptions. Finalement les seuls moments où je peux être moi-même, c'est quand je m'énerve, puisque tout le reste n'est qu'adaptation selon l'envie de rester seule ou pas.

Un peu surprise de se confier autant, la jeune fille avait émergé des yeux d'Altaxar pour parler. Et seulement après sa tirade, et un silence désormais résident permanent de la conversation, elle avait braqué son regard, presque désolé, sur son interlocuteur. Un regard qui ne faisait que voir, et pas plus, puisqu'elle hésitait à essayer de deviner ses pensées, cette fois-ci. Peut-être pour se convaincre qu'elle n'avait pas à s'en soucier, après tout, mais comme elle évitait en même temps de trop réfléchir, aucun moyen de s'en assurer. D'ailleurs sa non plus, d'une certaine manière, elle ne voulait pas le savoir. Tout ce qui lui importait en ce moment était de simplifier au maximum tout ce qu'il pouvait se passer dans sa tête, de façon à s'y retrouver un peu mieux.

Bizarrement, alors qu'elle s'appliquait à en penser le moins possible, Yuki ne put s'empêcher d'esquisser un imperceptible sourire à l'idée que depuis tout à l'heure, les rôles semblaient inversés. D'après ce qu'il avait dit, tout à l'heure Al' craignait qu'elle ne parte; maintenant c'était lui qui risquait de s'en aller, en apprenant qu'elle jouait presque continuellement la comédie, en particulier ce soir. Mais les douze coups de minuits avaient sonné il y a bien longtemps déjà, Cendrillon était en retard pour rentrer chez elle. Même si le silence ne se ferait plus à deux, même si les regards n'en auraient plus d'autres à croiser, la soirée s'était déjà éternisée plus que de raison. Cependant la solitaire convaincue avait envie de garder ce costume de princesse souriante encore un peu, bien qu'il ne soit pas tout à fait à son goût; le porter trop longtemps dissipait toute envie de l'enlever.

-Une petite dernière, avant que le carrosse ne redevienne citrouille?

L'adolescente se mordit la lèvre. Constatant que son cavalier ne se décidait pas à rythmer le vide qui avait réussi à immiscer dans ce manque total de bruit, son envie s'était muée en mots, et changée en murmure, qu'elle n'avait pu interrompre qu'une fois qu'il s'était exprimé. D'ailleurs, ni sa proposition ni son délire de fausse Cendrillon ne collaient à sa précédente réplique, bien que l'incohérence avait été camouflée par le temps écoulé entre les deux, relativement court, mais assez pour marquer le changement. Et puis, maintenant qu'elle y était, autant laisser couler le flot jusqu'à son terme. Et finir ce qui avait été commencé.

-Enfin... Sauf si ça te gêne que le silence s'occupe de la musique.