Perdu dans ses pensées, Elvira regardait le paysage, au loin, à travers la fenêtre de la salle de cours. Son professeur, l'ayant déjà rappelé plusieurs fois à l'ordre sans obtenir un quelconque succès, avait abandonné rapidement pour faire cour à des élèves qui n'avaient pas une attitude bien différente de celle d'Elvira. Parfois, au milieu d'une de ses phrases, on entendait un léger soupir qui révélait son impuissance face à ces adolescents.
Tout en contemplant un nuage qui avançait lentement vers l'horizon, la jeune fille imagina la soirée qui allait venir. Le bal. Les élèves n'avaient plus que ce mot à la bouche depuis un bon mois, et ne cessaient d'en faire des longs discours. Les garçons se précipitaient souvent en plein milieu d'un groupe de jeunes filles pour espérer que l'une d'elle accepte leur invitation...Quand aux filles...La plupart d'entre elles s'aventuraient à tout moment de la journée pour faire les boutiques et trouver, selon elles, la robe parfaite pour cette soirée. Elvira soupira discrètement. Le pire, c'est qu'elle aussi avait du passer par là...
Un garçon de sa classe l'ayant invité, et elle, acceptée, elle avait du passer une après-midi entière dans une vieille boutique pour trouver enfin sa robe de soirée. Peut-être pas la plus belle des robes, mais elle s'était surprise à la contempler une bonne dizaine de minutes au magasin. Une occasion à ne pas louper...Après tout, elle pouvait bien ressembler aux autres au moins une fois...
La sonnerie annonçant la fin des cours retentit enfin. Le professeur, exaspérer par l'ignorance que ses élèves portaient sur ses cours, s'était affalé sans un bruit sur la chaise de son bureau, et avait attendu avec impatiente la sonnerie qui la sortirait de ce trou... Ce fut d'ailleurs lui, le premier à sortir de la salle de classe.
L'adolescente ne bougea pas de sa chaise, trop plongé dans ses pensées pour songer à s'en aller. Plusieurs élèves lui jetèrent un regard, mais personne ne lui adressa la parole, et bientôt, le calme complet revenu dans la salle, la porte encore grande ouverte. Tout le monde se précipitait dans leur chambre pour commencer leur préparation.
Les heures passèrent plus rapidement que prévu... Elvira était restée, sans bouger un cil, deux heures entières. Un dernier soupir avant de se lever et de filer, aussi silencieusement que le vent, dans sa chambre. Elle y pénétra, jetant un petit coup d'œil à ses "colocataires" qui s'étaient déjà attelés à leur tâche de préparation, attrapa ses affaires qu'elle avait soigneusement préparées, et retourna dans les sombres couloirs, sans un mot. Elle descendit les escaliers, rendant parfois le bonjour à ce qui daignaient lui parler, avec quelques petits sourires, puis, se faufila dans un couloir que personne n'empruntait, car il menait dans une salle vide, qui n'avait jamais servie. La porte grinça lorsqu'elle l'ouvrit. Cherchant à tâtons l'interrupteur, elle pénétra dans la pièce sans fenêtre, refermant la porte derrière elle dans un nouveau grincement. Un "clic" se fit entendre lorsqu'elle appuya sur l'interrupteur. La lumière se mit à inonder la salle, comme au levé du soleil. La pièce ne contenait rien, hormis quelques balais et serpillère laisser là par mégarde. Par terre, on voyait la poussière se déplacé sous les pas d'Elvira. Aucune fenêtre n'apportait de vraie lumière. Seule une bouche d'aération permettait de respirer un peu mieux dans cet environnement lugubre. On entendait d'ailleurs le bruit des hélices qui se chargeaient de l'aération, assez fort pour décourager quiconque d'en approcher. Encore heureux pour l'adolescente. Elle remercia les araignées de décourager les derniers qui voulaient absolument pénétrer dans ce lieu où elles gouvernent.
Elvira s'assit par terre, et sorti de son sac sa longue robe noir. Elle la caressa tendrement, comme si c'était un joyau, et la posa délicatement sur ses genoux en prenant grand soin de ne pas l'abimer ou la salir. Elle attrapa du bout des doigts les longs morceaux de tissu blanc qui dépassaient au bas de sa robe et les fit glisser du début à la fin. On avait l'impression de toucher de l'eau pure. Sans la quitter des yeux, elle se leva, la posa délicatement sur son sac, et commença à se déshabiller. Puis, lentement, comme si elle voulait savourer chaque instant, elle s'enfila dans sa robe et la fit glisser le long de son corps. Elle frissonna au contact froid, mais doux et léger. Fermant les yeux, elle se croyait être en train de rentrer dans une eau tiède. Elle sourit un instant, se sentant bien dans cet environnement. Si elle pouvait, elle passerait certainement la soirée ici...Mais c'était au risque de décevoir son cavalier, chose qu'elle ne souhaitait pas. Elle soupira, tout en gardant son sourire. C'était la première fois qu'elle allait à une fête comme celle-là, en plus accompagné d'un jeune homme. Autant en profiter le plus possible.
Sortant une petite glace et une brosse de son sac, elle entreprit de peigner ses cheveux pour avoir une allure acceptable. Elle refit sa longue natte en y ajoutant quelques fils dorés qu'elle mélangea avec le reste de sa chevelure, donnant un effet de cascade. Puis, elle mit en forme ses deux mèches qui lui tombaient de chaque côté de son visage, et se regarda d'un air satisfaite dans la glace.
Puis, elle rangea ses affaires, lentement, comme si elle redoutait ce bal. Pourtant, qu'y avait-il à craindre ? Elle savait déjà que personne ne pouvait lui gâcher la soirée, pas même les Kuragaris, où les autres Kazukis qui commençaient à lui jeter des regards haineux.
Silencieusement, comme pour sa venue, elle sortie de la pièce et se dirigea vers le jardin, leur lieu de rendez-vous. Elle aperçut rapidement Itake, mais préféra s'assoir sur un des bancs, et attendre qu'il vienne de lui même, une forme de galanterie, pensa-t-elle en souriant. Elle cueillit une rose sur un des bosquet et la glissa dans ses cheveux, dernière touche...

Le froid ne cessait d’amplifier autour d’Elvira et d’Itake, les encerclant ainsi dans ses bras invisibles et glacée. La jeune fille frissonna au contact du vent froid qui faisait voltiger ses cheveux qu’elle avait mit tant de temps à coiffer. D’un geste de la main, elle les rattacha soigneusement et leva les yeux vers le ciel, attiré par le bruit que faisaient les feuilles dans le vieil arbre. Celles-ci, dernière survivante avant le passage de l’hiver qui les tuera à jamais, s’gitaient en tout sens, cherchant par n’importe quels moyens à échapper à la morsure froide du vent qui se déchainait contre eux. Seul le rosier restait impassible devant cette soudaine violence, affrontait la rage du vent comme le feu attaque les forêts. Droit et fier, il résistait au vent avec la force d’un arbre aussi dur que le roc. Malheureusement, ses pétales, qui n’étaient pas aussi puissant que leur créateur, s’éparpillaient à vue d’œil, contraints de suivre le vent. Ce spectacle faisait penser à une pluie de sang qui s’abattait sur le sol. Elvira les suivit du regard, l’esprit ailleurs et avec son cavalier à la fois, jusqu'à qu’elles disparaissent complètement de sa vue.
Se rapprochant un peu plus de son cavalier pour atténuer son froid, elle lui prit sa deuxième main et s’aperçue qu’elles étaient aussi froide qu’elle-même l’était. Avec un sourire, elle tenta de les réchauffer délicatement en soufflant un air chaud dessus. Itake la regarda faire, en silence. Quel mot pourrait décrire ce qu’ils ressentaient ? Après tout, le silence n’est-il pas la plus belle des paroles ?
Le vent continua à jouer entre les deux adolescents, tel un serpent qui ondulait, en suivant chaque courbe de chaque obstacle qui se présentait à lui. Un peu moins fort qu’auparavant, il se glissa sans un bruit autour d’eux, comme s’il respectait le silence imposant. Relevant un peu la tête, Elvira plongea son regard gris dans les yeux d’Itake. Ses cheveux se détachèrent une nouvelle fois. Mais cette fois-ci, le jeune fille n’y porta pas d’attention et les laissa suivre les mouvements gracieux du vent.

Elle sourit une nouvelle fois. Puis, elle tourna la tête vers la salle de bal qui s’élevait un peu plus loin. Des lampions de couleur dorée étaient attachés un peu partout, et donnait une lumière chaude sur chaque parcelle du jardin. Il lui semblait que seul le lieu où ils se tenaient n’était pas éclairé par ces lumières. Seule la lune leur donnait une lumière suffisante pour voir chaque détail autour d’eux. Aussi scintillante que l’or… Bien qu’elle préfère cet endroit, Elvira dû admettre que la salle préparée pour le bal était resplendissante. Elle débordait de couleur variée et magnifique à regarder, accompagné des brillante robe de soirée en tout genre qu’abordait les cavalière. La fête avait déjà commencée, et la musique s’était mise en route, joué par les musiciens qui étaient venus spécialement pour cette soirée. Une mélodie entrainante et lente, parfaite pour ce type de fête. Un bal, ce n’était pas rien.
Tout en souriant, la jeune fille se tourna de nouveau vers Itake, et lâcha enfin sa main, pour la poser ensuite sur son épaule. Elle attrapa avec son autre main les doigts du jeune homme, et commença à danser, suivant avec ses pas le rythme que donnait la mélodie, au loin. Comme le voulait la tradition, elle laissa son cavalier la guider dans les pas de danse ; qui avait compris où Elvira voulait en venir. Tournoyant dans l’herbe encore glacé par le vent froid, les deux adolescents plongèrent leur regard l’un dans l’autre, et oublièrent tout ce qui les entourèrent. Il n’existait plus que la mélodie qui résonnait dans leur tête, et le battement de leur cœur, rythmé avec les mouvements de la danse interminable.
Fermant les yeux, Elvira posa sa tête contre la poitrine d’Itake, tout en continuant sa danse. La chaleur du corps du jeune homme la revigora, et la réchauffa. Le vent, lui-même, s’arrêta de souffler, et laissa la place à l’habituelle fraicheur supportable de la nuit, comme s’il comprenait qu’il était indésirable dans ce moment de paix. Soupirant d’aise, elle se laissa entrainer, suivant chaque mouvement de son cavalier. Elle rouvrit les paupières et regarda le ciel. La lune, solitaire dans cet espace étoilé, était l’unique témoin de la scène, accompagné d’une étoile filante qui passa dans le ciel, juste à a côté d’elle.
A quoi servait une étoile filante alors que tous ses rêves étaient déjà réalisés ?

Et pourquoi pas ? Elle avait le droit de connaître tout cela, elle aussi. Elle avait le droit d’aimer, de rire, de sourire…Et même si le prix à payer était cher, elle pourrait le supporter.
La même vague de chaleur qui l’avait envahit précédemment, revint et la réconforta. Elle n’était pas plus faible qu’un autre. De plus, refusé Itake aurait peut-être fait du mal à ce dernier. Il se serait sentit repoussé, détesté. A présent, l’une de ses obligations était de le rendre heureux. Rien de plus.
Sentant de nouveau la confiance l’envahir, elle embrassa de nouveau son cavalier, persuadée de faire le bon choix.
…
Blottit dans les bras d’Itake, Elvira pensait à ce qui l’attendait. Assis sur le banc, sous l’arbre, tout deux regardaient les étoiles, sans rien dire. Puis, fatiguée par cette longue soirée, elle ferma les yeux, à la recherche du sommeil, enfin heureuse de vivre.

Les heures passaient lentement, et Elvira profitait de chaque secondes qu’elle passait en compagnie d’Itake, transformant ainsi ce moment en un rêve agréable et reposant. Son cavalier semble lui aussi nager dans ce rêve de bonheur, oubliant tout simplement tous ce qui les attendaient une fois qu’il se romprait. « Profiter de chaque seconde comme si c’était la dernière. ». Plutôt intelligente, cette citation…
Itake mit enfin un terme à la longue valse interminable, et déposa un baiser sur les lèvres de la jeune fille qui sentit un nouveau frisson lui parcourir le corps. Elle ferma les yeux, cherchant un moyen de se calmer, et d’empêcher tout ces frissons de l’assaillir de nouveau, bien qu’ils fusent plutôt agréable à sentir…
Sans un mot, elle rendit son baiser à son cavalier, et se laissa emporter dans la douce odeur de son corps chaud. Itake, toujours avec une extrême douceur, souleva l’adolescente, et la déposa sur le muret qui se trouvait derrière eux. Elvira se laissa faire, un petit sourire aux lèvres. En un mot, elle était comblée. Si seulement ce rêve pouvait durer pour l’éternité…
Devant elle, le jeune homme semblait avoir retrouvé son calme et sa sérénité habituel. Il souriait tendrement, et son regard ne contenait plus aucune hésitation, comme si à présent, il contrôlait tout.

Il n’était peut-être pas si rassuré que ça, finalement. Elvira retint un rire légèrement moqueur, et qui aurait pu blesser le garçon. Elle se contenta de sourire, ne risquant rien pour mettre un terme à son bonheur.
Ne cherchant plus à poser des questions banales, son cavalier s’interrompit et posa son regard dans les yeux froid de la jeune fille. A présent, ces yeux ne devait plus être aussi gris et glacial que d’habitude, mais plutôt embrasé par cette flamme qu’on nomme « amour ». Une flamme qui allume son regard, pour ne plus l’éteindre.
En souriant légèrement, Itake s’approcha d’elle, et se glissa près de son cou, le touchant du bout des lèvres. Son souffle chaud effleura la peau blanche d’Elvira, telle une caresse. Elle ferma des yeux, s’attendant à tout, au pire comme au meilleur. Mais quelque part, elle espérait qu’il ne se passe rien, et qu’ils restent tout les deux, ensemble, jusqu'à la fin.

Elle qui pensait que rien ne pouvait être plus merveilleux que l’instant présent. Elle ne savait pas vraiment quoi penser de ces simples mots. Ou plutôt, elle ne les comprenait pas vraiment. Comme un enfant qui apprend à parler. Elle ne cherchait pas non plus à les comprendre. Elle préférait les vivre, comme en ce moment. Même si la parole est parfois vitale pour s’exprimer librement, elle, elle préférait de loin ressentir en elle ces mots à l’aspect simpliste.
Mais d’un autre côté, entendre ces deux mots agissait sur elle comme la chaleur d’un feu. Elle aimait les entendre résonner à ses oreilles. Elle aimait surtout savoir qu’il lui était destiné. Comme de nombreuse personne, d’ailleurs. Se sentir aimé par quelqu’un. Pour beaucoup, cela signifiait savoir qu’on existe, et qu’on vit au moins pour cette unique chose…Même si Elvira ne pensait pas tout à fait comme ces personnes, elle appréciait tout de même cette phrase.
Tout doucement, elle entoura le cou d’Itake de ses bras et se rapprocha de lui, en glissant sa tête derrière la sienne. Une étreinte douce et apaisante. Elle laissa un temps de silence, assez long pour lui permettre de profiter du doux toucher de son cavalier, mais assez court pour que celui-ci ne s’en lasse pas.
Puis, lentement, elle s’approcha de son oreille et y murmura :

Puis, savourant l’esquisse odeur que dégageait cette impression de contrôle et de bonheur, elle leva les yeux vers le ciel, et se dégagea doucement de son étreinte pour embrasser de nouveau Itake. Elle avait besoin de le savoir près d’elle. Elle voulait qu’il ne soit qu’a elle…Un rêve égoïste, mais peut-être amplement mérité…Ou peut-être pas. Mais l’important était qu’elle soit ici, auprès de lui.
Elle rompit le baiser pour regarder de nouveau vers les étoiles, un sourire aux lèvres.

Elle savait que s’était stupide de dire de telle parole. C’était presque une promesse de mort. Une promesse qui vous lie à vie et vous oblige de la respecter. Elle ne voulait pas qu’Itake se sente obliger de la respecter, bien sur…Elle avait simplement le désir de l’entendre dire que cette histoire n’était pas comme ces amours d’un jour qui trahisse à la fin. Elle ne voulait pas être trahit, une fois de plus. Pas après tout ce qu’elle avait ressentie…