Fiction : Temps

¦ **L'Anti-Thèse** *HexaDécimale* ¦

Puisque nous ne sommes pas dans un monde parfait, alors nous parlerons d’imperfection.

Année 94 du Temps. La menace nucléaire a forcé les gouvernements mondiaux à enclencher une troisième puis une quatrième guerre mondiale, qui, s’ajoutant aux dommages causés par le réchauffement climatique, a achevé de transformer la terre en un Wasteland désertique et irradié . En plus de confiner les humains aux Polis - répliques sous-terraines des sociétés de l’Antiquité- et de condamner une grande partie de la population à la vie en surface, où la plupart ne dépasseront pas les 40 ans, les dirigeants se sont tournés vers une alternative à la démocratie, déjà défendue depuis fort longtemps : le système Temps .

La terreur avait à peine terminé de distiller la population qu’on observait déjà les premières mutations chez les irradiés en surface. Ils ne devinrent pas des morts-vivants ou des êtres dotés de pouvoirs fantastiques, seulement des êtres humains dont la peau gonfla et se noircit, avant de tomber. D’étranges proéminences cornues et des excroissances poussèrent sur ce qui restait de leurs exosquelettes. On les appelle les Remnants – Les Restes- et ceux-ci formèrent leur propre ville et leur propre pays, un peu plus tard. Les Remnants gardant toutes leurs fonctions intellectuelles, ils s’organisèrent mais ne devinrent jamais une force importante pour les adeptes du Temps. Alors où en sommes-nous ?

Le neuf était maintenant synonyme de peu utilisé. Si voilà 94 ans que la dernière bombe avait explosée dans l’Arizona, les gens capables d faire fonctionner les Santaurs étaient tous morts, et les gens réutilisaient presque tous ce qu’ils trouvaient.

Pour ma part, je ne m’en tirais pas si bien. Tout ce que je possédais avait déjà appartenu à plusieurs personnes avant moi. Ma maison , mes vêtements, mes animaux…Tout.

Les Polis se comptaient au nombre de 9 dans le territoire du Yukon, Canada. Des refuges, si on peut dire cela ainsi, pouvant accueillir 300 à 400 milles personnes à la fois. Des mètres de bétons sous la terre pour contrer les radiations, du moins espéraient-on. Des filtreurs pour l’eau et la nourriture. Et le Chaos du Temps.

***

Je regardai 1131F, soulignant mon ennui par des soupirs répétés à chaque fois qu’il osait m’adresser la parole. Je me contentais de le suivre le long des passerelles au cordage émincé et nullement conçu pour un si long service. De temps en temps, mes yeux se balançaient pour regarder des antiques hublots qui, dans un passé plus ou moins lointain, servaient à recueillir la lumière de la surface. Voilà longtemps qu’ils étaient trop sales et endommagé pour filtrer quoique ce soit, ce n’était plus que des ronds de poussière oubliés. Je soupirai.

De chaque côté, une ribambelle des tuyaux rouillés et passablement usés – Peut-on user des tuyaux à partir de leur extérieur ? – et des grillages troués recouvrant des conduits d’aération qui produisaient probablement de mouvement d’air que de réelle aération. De temps en temps, on recevait une bouffée d’air à peu près fraîche, et on s’empressait de toussoter, alors qu’un relent de pourriture ou bien une poussière noirâtre emplissaient nos narines. Et puis, on soupirait. Enfin, moi.

Derrière moi, des unités B et A effectuaient ce qui était possible comme entretien des systèmes d’évacuations et de filtrations. Alors que 1131F cracha à leurs pieds d’un air hautain et candide, je m’assurai d’attendre qu’il ait disparu du couloir avant de traverser les hommes en silence. J’obtins plusieurs regards étranges, que je fis de mon mieux pour oublier. En accélérant le rythme, je pus rattraper mon collègue sans qu’il ne se doute de rien. Après quelques minutes, je pris congé de lui pour prendre le couloir de gauche alors que lui continuait tout droit sans un signe d’hésitation.1131F était si différent de moi. Il ne doutait jamais de rien, lui, et semblait comme toute les unités F respirer un air plus pur et moins irradié que les autres. Jamais il ne doutait ce qu’il pensait, même s’il avait tort, et c’était fort fréquent.

Pour autant qu’on puisse le croire, j’arrivai dans la salle centrale au moment où J7 entrait dans la salle. C’était un homme d’un âge indéfinissable - On ne posait jamais la question.- et pourvue d’une forte barbe qui lui donnait une allure sauvage, bien que tous sachent qu’il était le scientifique le plus intelligent de la salle. En tant que Juggernaut de la Polis, il se devait d’être le meilleur, et l’était également. Mes mains s’activèrent sur mon cahier de note alors qu’il parlait aux étudiants d’unité F-, comme moi.

« Des facettes ridicules qui déstabilisent le peuple. Des traces de boue dans l’histoire. Athènes, L’égypte, New York…Tous des échecs cuisants dont, par le Temps, ne sont pas nécessaire à notre vie. N’allez pas croire que je veux vous corrompre avec ces mots, seulement je ne peux les oublier, ayant vécu, il y a 94 ans, l’institution d’un ordre qui glorifia l’être humain une fois pour toute. Pouvez-vous imaginer ce qu’est une famille ? Avoir un…Fils ou une fille ? Croire en un être nommé Jésus »

Je fis moi-même la grimace. Combien dégoûtant était pour moi l’idée de se reproduire biologiquement. Par le Temps, J’aurait préféré mourir!

« Eh bien ce sont les taches d’encre qu’on laissé derrière nous l’ère du temps. Nous voilà cloîtrés dans des cités souterraines désuètes, avec à peine de quoi veiller au confort des Classes E,F et G, et en manque de Classes A et B pour pouvoir entretenir convenablement. D’ici environ 72 ans, cette installation deviendra inutilisable et nous serons alors forcés de retourner en surface, et subir ce que le Temps souhaite nous sauver : La mort. »

***

« Comment ça, seulement Une ? »

1845E regarda avec un air choqué 1693E qui se rhabillait lentement, glissant sur son dos une tunique de couleur vert pâle.

« Je sais, j’aurais dû faire un effort… »

***

« La mort. Une autre idée qui appartient désormais au passé. Le Temps nous en a sauvés. Maintenant la seule fin possible et celle que l’ont veut. Effort, Fraternité, Grandeur, voilà nos crédos, qui représentent également les Classes les plus méritantes. Personne ne meurt à la Polis. Ce qui existe, c’est le néant, et c’est ce qui se trouve aussi au-dessus de nos têtes. »

***

« Et comment ! Elle serait furieuse de savoir qu’elle est la seule actuellement. Ne me dis pas que…C’est devenu ….Sérieux…»

« Non non, pas du tout, je peux et je vais me reprendre. Je vais inviter une autre fille ce soir au Sens-Néma , et elle sera très fière que je la trompe, je suis certain. »

« T’a intérêt mon vieux, sinon tu devrais aller voir un médecin pour avoir ta dose de [D….] »

« Je ne suis pas malade, j’ai juste été occupé ! Je vais la tromper, faut pas se soucier. »

***

« L’art, La morale alternative, La philosophie, voilà qui provoquait l’instabilité dans notre ancienne société et qui parallèlement l’affaiblissaient. Les idées divergentes nous empêchent d’être unis dans le Temps. C’est grâce au Système Temps si aujourd’hui nous pouvons vivre une vie maximisée sur les plaisirs, et ainsi oublier les choses horribles, appartenant au passé, qui rampent dans le néant de la surface. »

***

« Tu ne vas pas me dénoncer, non ? »

« Je devrais ! Une seule relation depuis plus de quinze jours. Certains pourraient penser que ça devient sérieux. »

« S’il-te-plaît, on a toujours été des bons amis… »

« C’est bon, c’est bon, je ne dirai rien, mais tu dois prendre d’autres femmes. »

***

« Et puis les mœurs ridicules que l’humain a porté sur presque toute son histoire. On empêchait aux petits garçons et aux petites filles des plaisirs auxquels ils avaient droits de par leur naissance. On les réprimandait pour toute forme d’érotisme, et leurs seuls plaisirs avant la maturité était l’autosatisfaction. »

***

« Il paraît que 792E a des places pour le Colisée de Surface dans Deux Temps. »

« Hum…792E … Elle est plutôt bonne à prendre, je te la conseille. Et un colisée de surface, tu ne peux pas manquer ça. »

***

« On s’attachait désespérément à ce qu’on appelait la démocratie, et on rejetait constamment le système des castes et du conditionnement selon le système Temps. Les gens ignoraient que c’était justement cette démocratie qui les détruisait. Pour que la société marche, nous ne pouvons être sur un même pied d’égalité. Certains doivent faire les besognes moins nobles. Les Classes A et B ne sont pourtant pas malheureux de leur état. Ils aiment travailler et faire toutes les tâches déshonorantes. Ils ont été conditionnés pour cela. »

***

« Et que penses-tu de 891E ? »

« Plutôt bien elle aussi, mais je n’ai pas autant aimé qu’avec 791E . Des gens racontent qu’on l’aurait méprise pour une C et que l’on aurait laissé son fœtus un peu trop longtemps à la surface. Ça expliquerait pourquoi elle n’est pas aussi belle que les autres. »

***

« Ainsi, les Classes ne s’aiment qu’entre-eux et n’ont aucune ambitions de monter dans l’échelle. Les gens aiment s’aimer, sans attaches et sans maternité ou paternité. Résultat, pas de problèmes sociaux, pas de divorces, de mariage ou de viols. Les hommes prennent, et les femmes aiment être prises. Nous n’aimons que ce qui est aussi beau que nous. »

***

« Oui, mais en prenant une ou deux injections, je pourrai sûrement oublier son visage. Son corps reste très bien formé. »

« Si tu veux, mais tu aimerais beaucoup plus 791E. Et le Colisée de Surface. »

***

« Les choses solitaires étaient un fléau de la société contemporaine. Ils divisaient les gens et leurs idées, les rendaient isolés des autres. Grâce au conditionnement Temps, les humains naissent avec une haine de tout ce qui doit être fait seul, que ce soit le travail, les loisirs ou l’érotisme. Le conditionnement débute dès la naissance de l’embryon à partir de reproductrices A produisant des fœtus parfaits qui sont extirpés et reconduit à travers diverses machines qui les prive d’oxygène et de minéraux selon leur rang. Ce qui explique la laideur des unités A, et la perfection des G. Ils sont ensuite reconduits à la surface pour un bref séjour en zone irradié, sauf pour les Classes G et J , qui en sont exemptées , évidemment. Après une journée, le fœtus a perdu 25 % de son potentiel physique et mental. Après 4 ou 5 jours, il grandira pour devenir un monstre hideux sans yeux ni bouche. »

***

« Oui, je crois que je vais inviter 791E . J’espère bien pouvoir essayer mon équipement neuf. »

***

« Et l’économie ancienne, toujours branlante dans l’éternelle balance du besoin et de l’offre ? Disparue elle aussi. Les humains sont maintenant conditionnés pour détester ce qui est vieux, et n’aimer que les activités nécessitant des équipements achetables dans nos commerces. »

***

« Par le Temps, j’espère que j’aurai le temps de la prendre une dernière fois avant que tu l’invites, 1693E. »

***

« Plus de mœurs inexplicables et illogiques, plus de problèmes d’économies ou de tâches considérées non-nobles. Plus d’isolement provoquant la dépression. Et enfin, le plus merveilleux, l’invention des injections, aussi puissantes que les drogues dures de l’époque avant-Temps, sans les inconvénients sur la santé. Une mauvaise journée ? Une ou deux injections, et te voilà au paradis. »

***

« Je vais l’attendre à l’arène T3 dans 4 demi-Temps. Tu n’as qu’à aller la prendre avant. »

***

« Voilà ce qu’est le Temps , mes chers amis. L’évolution. La glorieuse maîtrise de l’humain sur son environnement pour le modeler à son avantage le plus pur. Nous menons une vie fantastique, et cela ne saurait s’arrêter si ce que par le Temps! Nous sommes à l’étape finale avant le bonheur, mais nous pouvons déjà la caresser. Les révoltes et les révolutions n’existent plus et ne sont plus nécessaire , puisque nous en sommes à l’étape finale. Je vous souhaite une vie pleine de plaisir dans la Polis P7 ! Merci à tous. »

***

« Je te revaudrai ça. Ton petit problème, je le garde pour moi, promis. »

***

Je me surpris à applaudir, moi aussi.

Fin du Chapitre 1

Note : À réfléchir plus sous l'aspect philosophique que littéraire...

♥ *Sex Drug's and Rock'n'Roll* ♥

allez je poste =p
j´aime bien le début, j´attend la suite avec impatience.
pour ce que je ressent après avoir lu ton ecrit, c´est plus de la "peur" qu´autre chose... vivre dans un monde comme celui tu decris est vraiment speciale. je ne sais pas si on me comprend mais etre appelle par un code, ne pas naitre biologiquement, etouffer a l´air pur est inconcevable... pourtant, peut etre que dans un futur proche nous vivrons tous comme ca et que ca deviendra la normalitée...

vivement la suite !!

¦ **L'Anti-Thèse** *HexaDécimale* ¦

Whoah O_O J'ai vraiment beaucoup de vues, je suis surpris

Le chapitre 2,3,4 arrive bientôt O_O

¦ **L'Anti-Thèse** *HexaDécimale* ¦

J’étais ingénieur du temps. Tâche théorique : « Concevoir une représentation vivante et dynamique du Temps, la protéger et la faire grandir ». Tache concrète : « Faire durer cette Polis le plus longtemps possible. ». Plus facile à dire qu’à faire. Je préférais encore m’en tenir à l’essentiel : survivre. Comment entretenir une installation accueillant plus de 350 000 personnes, constituée de 9 m d’épaisseur de béton armé par endroit, des dizaines de kilomètres de conduits d’aération, d’un système de refroidissant ayant plus de 60 ans et surtout d’une fosse de 112 km de profondeur pour l’enfouissement des déchets ?

Tu ne le fais pas tout simplement, du moins ce n’est pas ce que les unités G et J attendaient de lui à la fin du cycle du Temps. J’étais presque seulement un symbole, un fétiche. De quoi calmer la population s’abreuvant des plaisirs de la vie sous le système Temps. P9 avait beau être vieux, décrépi, désuet et déficient, jamais je ne recevais de plaintes. Les injections et le conditionnement empêchaient quiquonque d’être trop investigateur. Répondre que le Temps allait bien dissipait avec certitude les minces doutes de n’importe quel individu, que ce soit une unité B ou une F. Alors je passais mon temps à inspecter les infrastructures en redoutant le moment où une d’entre elle tomberait en panne. 153G, mon patron, n’avait jamais évoqué cette éventualité. De même, il ne voyait pas que ma formation était plus qu’inutile face à la complexité de la tâche. On ne parlait pas ici d’un moteur de cyclovibreur , par le Temps ! On parle d’une machine occupant la superficie d’un terrain de Colisée. Non, si cet endroit venait à mal fonctionner, ce serait la fin. En attendant, on oubliait le problème, c’est tout.

Il y avait les Santaurs. Si seulement un opérateur avait survécu aux 19 vagues d’attaques nucléaires sur la Polis, on n’aurait pas autant à s’inquiéter. Enfin, par « on », on veut dire lui. J’aurais rêvé de pouvoir opérer cette machine. Savoir qu’elles étaient là, les 6 unités dédiées, dans la poussière et la rouille du 23e niveau me rendait malade quand j’y pensais. Elles étaient le symbole, pour moi, de l’espoir endormi qui gargouillait dans cette robe de ciment anti-radiation. Mais il n’y avait plus d’opérateur. Il n’y avait plus rien.

Alors on vivait de ce qui restait, car le neuf était luxure, et la luxure n’est pas le Temps. Le système T prône une absence de supérioritée envers les individus. Tous sont riches, tous sont pauvres. Seuls les Juggernauts ont droit à une qualité de vie supérieure, si supérieure est encore possible dans le plaisir continuel du Temps.

Et lui, il avait la surface.

La surface n’était pas irradiée à la même concentration partout. Les Remnants occupaient les zones les plus dangereuses du Yukon, désormais désertique, tandis que les Polis étaient pour la plupart en Zone neutre, c’est-à-dire donc l’exposition ne causait pas de lésions à court terme. Respirer l’air libre restait absolument suicidaire : l’apport en oxygène de la surface était bien supérieur à ce que pouvait supporter un membre du temps moyen. L’air de la surface était trop pur. L’idée que des humains aient pu respirer ce composé était un vrai mystère. En même temps, les cours d’histoire du temps recensait que la période de -118 à -64 Temps avait été la cause d’une effroyable pollution de l’environnement de surface, qui avait tari l’apport en oxygène de l’air ambiant. Une ou deux fois par temps, je dois remonter dans des niveaux innaccessibles aux restes de la population pour effectuer l’inspection des conduits d’aération. Après tout, la moindre fissure pourrait mener à la mort de la Polis tout entière. Des kilomètres de tunnels mal éclairés que je devait parcourir, des ponts rouillés et chancelant que je devait traverser. Pour le Temps.

Soyons clairs. Le mot tâche est un archaïsme dans la Polis. D’ailleurs moi-même je ne suis pas certain de ce que ces mots ont pu avoir un jour comme signification dans l’ère d’avant-temps. J5 avait un jour évoqué le travail comme le « fardeau de l’homme libre ». Je n’ai pas compris, et je ne comprends toujours pas. Et je n’ai pas non plus compris lorsqu’il me parla de la « rémunération » , du « salaire » . Je fais parce que. C’est tout. C’est le Temps.

Comment c’est arrivé ? C’est important ? Non. Le Temps est important. La Polis est importante. C’est ce que j’ai appris, c’est ce que mes gènes me poussent à croire. C’est ma vie. P9. P9.

Et pourtant, aujourd’hui, je doute.

Ps: Prochain chapitre, l'action commence =3